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ABB

les évêchés de Lichfield et de Londres, il fut fait archevêque de Cantorbéry à la mort de Baucroft, en 1610 ; qu’on le vit d’abord jouir tout à la fois d’une grande faveur et d’une popularité extrême ; que les amis de la paix aimèrent son esprit conciliant ; que les presbytériens comptèrent au moins sur son indulgence ; que le clergé anglican lui reprocha d’ensevelir sa primatie, et que les philosophes le louèrent d’être si peu altéré de pouvoir. Il paya cependant le tribut a l’esprit de corps, en défendant, avec plus de vivacité qu’on ne s’y serait attendu, l’existence de la haute cour de commission, même contre les injonctions du célèbre lord Cook ; mais on le vit conserver toute la pureté, toute la noble fermeté de son ministère, en s’opposant jusqu’à la fin au divorce du comte d’Essex, si ardemment et si indiscrètement poursuivi par le roi. La dissolution du mariage ayant été prononcée, à la pluralité seulement de deux voix, l’archevêque de Cantorbéry fut à la tête des membres de la commission, qui proteste contre le jugement. Moins intéressant, lorsqu’avec un fanatisme puéril il cherchait soulever tout le clergé contre une proclamation royale qui permettais les récréations innocentes pendant une partie du dimanche ; bon calviniste plutôt que bon politique, lorsqu’il travaillait à enflammer Jacques Ier pour le projet d’établir son gendre, l’électeur Palatin, sur le trône de Bohême ; plus digne de compassion que de haine quand il voyait dans cette chimère l’accomplissement, des prophéties de St. Jean, et le pouvoir de la Bète, c’est-à-dire du pape, tombant pièce par pièce, selon la parole de Dieu, il s’attira de nombreux ennemis qui crièrent au scandale et à la déchéance, lorsque, peu de temps aptes cette dernière discussion, il eut le malheur de tuer à la chasse un des gardes de lord Zouch. Il lui fallut obtenir le pardon et la réhabilitation du roi qui les lui accorda involontairement, en disent qu’un ange eut pu pêcher de cette manière. Les lettres de pardon sont du 22 novembre 1621. Cet événement le plongea dans une mélancolie qui aggrava d’autres infirmités. Il put encore recevoir les derniers soupirs de Jacques Ier, et couronner le fils qui lui succédait. Mais alors il se trouva en butte à des inimités terribles, celle du duc de Buckingham, le plus haineux, le moins généreux des hommes puissants, et celle de l’évêque Laud, aussi suspect de papisme que l’archevêque l’eût de calvinisme. La première occasion que le primat d’Angleterre donna au ministre favori de lui faire éprouver sa malveillance fut encore une circonstance glorieuse pour Abbot. Il était à quelque sorte le précurseur de Hampden. Une proclamation royale avait été publiée pour lever, sous le nom d’emprunt, un subside excusé par l’exemple, mais non autorisé par la loi. Un ecclésiastique de cour avait prêché en faveur de l’emprunt. Le primat reçut de Buckingham un ordre du roi, qui lui enjoignait d’autoriser de sa signature l’impression de ce discours : il s’y refusa ; et comme en Angleterre on exilait encore à cette époque, il fut relégué a sa maison de campagne, près de Cantorbéry, et l’exercice de sa primatie fut mis en commission. Il fallut bientôt convoquer un parlement, et rendre à la chambre des pairs son premier membre, à Cantorbéry son archevêque, à l’Angleterre son primat. La cour s’en vengea, en faisant baptiser le prince de Galles par l’évêque de Londres. Abbot succomba enfin sous le poids des années, des infirmités et de toutes ces petites vexations ; il mourut le 3 août 1633, âgé de 71 ans, laissant deux réputations bien différentes, selon les diverses églises et les divers partis qui le jugeaient. On peut voir ce qu’en ont écrit Heylin, Fuller, Aubrey, Wellwood. Clarendou. Ce dernier a été bien sévere dans son jugement ; n’a-t-il été sévère ? À en croire ce noble auteur, tout le christianisme d’Abbot consistait à détester et avilir la papauté. Dans ce genre, plus on lui montrait de faveur, et plus on lui inspirait d’estime. Peu versé dans les études de l’ancienne et solide théologie, aveuglement livré à la doctrine de Calvin, il avait fait de sa maison une espèce de sanctuaire pour les chefs les plus éminents de ce parti de fanatique, et il mourut laissant à son successeur une tache difficile, celle de réformer et de ramener à l’ordre une église que sa longue négligence avait remplie de ministres faibles, et plus encore de ministres vils. Quant aux ouvrages nombreux de l’archevêque Abbot, on ne peut guère citer aujourd’hui que sa traduction du Nouveau Testament, son Histoire des massacres de la Valteline, insérée à la fin du 3e vol. des Actes et Monuments de l’église anglicane, 1631, in-fol. ; ses Mémoires et Discours sur la proposition du divorce du comte et de la comtesse d’Essex. Tous ces ouvrages sont en anglais. L-T-l.


ABBOT (Robert), frère du précédent, né à Guilford, en 1560, fut instruit, formé dans la même ville, dans la même université, et pour le même état que lui ; comme lui, célèbre de bonne heure par ses sermons ; comme lui, élevé par son mérite à la dignité épiscopale ; comme lui, calviniste dans le cœur, plus modéré cependant que son frère, mais plus modéré surtout que Holland et Humphri, ses prédécesseurs dans la chaire de théologie d’Oford. Ce fut en 1612, et âgé de cinquante-deux ans, que Robert Abbot fut nommé par Jacques Ier professeur royal de cette chaire. Dès l’année 1597, ce prince l’avait fait son chapelain : il avait tenu à honneur de s’associer à un théologien si éloquent ; et l’imprimerie royale avait mis au jour, dans un même volume, la Démonstration du docteur sur l’Antéchrist, et le Commentaire du monarque sur l’Apocalypse. La faveur d’un de ces deux théologiens devait porter l’autre aux premiers honneurs de sa profession. Un sermon de Robert Abbot, prêche par hasard devant Jean Stanhope, avait valu au prédicateur, encore tout jeune, le riche bénéfice de Bingham. Des lectures publiques qui n’étaient pas sans dessein, et qui avaient pour objet de défendre le pouvoir des rois contre Bellarmin et Suarès, valurent au docteur consommé l’évêché de Salisbury. Il en fut pourvu par le roi, et reçut la consécration des mains de son frère, l’archevêque de Cantorbéry, le 3 décembre 1613. Tous les écrivains s’accordent à louer le zèle, la libéralité qu’il déploya dans l’exercice de ses fonctions pendant deux ans qu’il occupa ce siége. Une maladie cruelle (la pierre), suite de