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et l’on pense qu’il n’y négligea pas ses affaires particulières. « Vous autres grands faiseurs, disait-il un jour Jean-Bon André, son collègue, vous aimez à commander aux hommes ; pour moi j’aime mieux avoir affaire à mes chevaux ; ce sont les meilleures gens du monde ; ils ne dénoncent pas ; ils mourraient de faim sans se plaindre… » Plus tard, la carrière législative d’Alquier ne présenta rien d’important ; seulement en octobre 1794, c’est-à-dire après la chute de Robespierre, il parla contre les horreurs que le général Turreau avait commises dans la Vendée. On a bien dit qu’il avait fait supprimer un bataillon d’enfants qu’un de ses collègues avait créé pour fusiller les prisonniers, mais ni l’existence du bataillon, ni l’acte d’humanité d’Alquier ne sont prouvés. Lorsqu’il vit la lutte près d’éclater entre la convention nationale et le parti réactionnaire, il se ménagea adroitement des intelligences dans les deux camps, et donna même aux chefs des sections de Paris des avis dont ils auraient pu mieux profiter. Il logeait à cette époque dans une petite maison prés du lieu des séances, afin de pouvoir se trouver au milieu de la convention si le combat se terminait en sa faveur, ou dans les rangs des Parisiens s’ils étaient les plus forts. Envoyé près de l’armée du Nord avec Richard, à l’époque de la conquête de la Hollande, il s’y fit remarquer, ainsi que sort collègue, par la modération de sa conduite, et transmit à l’assemblée les détails de la conquête de la Hollande. Après la session conventionnelle, il entra au conseil des anciens, et fut élu secrétaire, le 21 mars 1798. Il présenta à cette assemblée deux décrets qui furent adoptés ; le premier, pour la création d’un conservatoire des arts et métiers ; le second, pour la suppression du clergé régulier de la Belgique. Alquier sortit du corps législatif au mois de mai 1798, et fut immédiatement nommé par le directoire consul général à Tanger ; mais il ne s’y rendit pas ; et deux mois plus tard on l’envoya près de l’électeur de Bavière, d’abord en qualité de résident, puis comme ministre plénipotentiaire. Il lui était expressément ordonné de solliciter la retraite des troupes impériales, et de réclamer pour la France le paiement de 14 millions de contributions. Pendant son séjour à la cour de Munich, il écrivit au baron de Hompescb une lettre qui fit quelque bruit, et dans laquelle il repoussait le dessein prêté au directoire d’exciter une révolution dans le pays de Wurtemberg et l’électorat de Bavière. Selon l’usage de cette époque, il attribuait au gouvernement anglais l’insidieuse propagation de ces nouvelles. Vers le même temps, il offrit ses services à l’évêque de Clermont, émigré, qui, cherchant à s’éloigner, avait été arrête par les troupes républicaines ; et il lui fit dire que, bien que d’opinion différente, il était loin t’oublier ce qu’il devait à son caractère et à ses qualités personnelles. Invité par le prince Charles à se retirer de Munich à l’époque de la sanglante dissolution du congrès de Rastadt, il reçut du prince une escorte de deux officiers, sous la protection desquels il traversa les lignes autrichiennes, et arriva, en 1799, aux avant-postes de l’armée française. Quelques mois après, on lui donna la recette générale des finances du département de Seine-et-Oise ; mais cet emploi étant peu conforme à ses goûts et à son genre de connaissances, il s’en démit au bout de quelques semaines. Après le 18 brumaire, il fut question de l’appeler à la préfecture de police à Paris, et il était assurément très-propre à ces fonctions ; cependant Bonaparte, qui tenait beaucoup à ce qu’elles fussent bien remplies, et qui se connaissait en hommes, craignit la faiblesse d’Alquier, et le nomma à l’ambassade d’Espagne. Alquier alla donc remplacer à Madrid son ancien confrère de la convention, Guillemardet ; et il arriva dans cette ville en janvier 1800. Il y commença la négociation de l’échange de la Louisiane, qu’un autre eut plus tard l’honneur de terminer. Ce fut Lucien Bonaparte qui le remplaça des le commencement de 1801. Alquier passa alors à Florence, ou il fut charge de négocier avec la cour de Naples. Le résultat ostensible de ces négociations fut la cession à la France de la moitié de l’île d’Elbe, qui appartenait au royaume de Naples, et le paiement d’une somme de 500,000 fr. en indemnité pour les Français qui avaient été pilles dans Rome par la populace, à l’occasion de la guerre et de la révolution. Alquier se rendit aussitôt après à Naples avec le titre d’ambassadeur ; et il débuta dans cette cour par faire renvoyer en Sicile, dans un sorte d’exil, le ministre Acton, qui depuis plus de quinze ans était en possession de la diriger. Il suscita encore beaucoup de tracasseries à Ferdinand IV ; et vers la fin de 1805, lorsque Napoléon eut pris définitivement la résolution de dépouiller ce monarque de sa couronne pour la placer sur la tête de son frère Joseph, l’ambassadeur Alquier, sans avoir pris congé, s’éloigna précipitamment avec toute la légation et le consulat. L’invasion de l’armée française fut la conséquence et la suite immédiate de ce brusque départ. Dans l’année suivante, Alquier remplaça le cardinal Fesch à Rome, et fut charge de continuer auprès de cette cour la négociation d’une alliance qui avait été commencée par son prédecesseur. Il était doué de trop de tact et d’habileté pour ne pas apprécier dès le premier moment toutes les difficultés d’une pareille affaire, et il s’en expliqua sans détour dans les rapports qu’il fit à son gouvernement. Napoléon, qui ne pouvait souffrir de résistance, et qui d’ailleurs avait résolu à cette époque de renverser complètement l’autorité pontificale, rappela son ambassadeur. « Vous êtes un dévot, monsieur Alquier, lui dit-il à son arrivée à Paris ; vous avez voulu gagner des indulgences à Rome. ─ Sire ; répondit le spirituel et souple diplomate, je n’ai jamais eu soin que de la votre[1]. » En effet, Napoléon lui

  1. On trouvera les pièces de la correspondance d’Alquier avec le saint-siége dans le Recueil des actes émanés de Rome dans la contestation du pape avec Napoléon, imprimé à Londres et à Paris. voy. aussi les Quatre Concordats, par M. de Pradt.