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et de ses troupes, par ses parents eux-mêmes, il continua de se défendre, et finit par se renfermer dans la dernière enceinte avec sa garde, composée de 400 esclaves noirs. Enfin, après un bombardement de trois jours, il se vit forcé, par les clameurs du peuple, de demander à Ibrahim une suspension d’armes et une conférence. L’entrevue eut lieu le 9 septembre. Abdallah fut complètement dupe de l’accueil qu’il reçut. Il fuma et prit le café avec Ibrahim ; il obtint la vie sauve pour ses frères, ses enfants et ses soldats ; son fils Saad, qui avait été fait prisonnier, lui fut rendu ; mais il ne put obtenir un sauf-conduit pour lui-même, ni l’assurance que sa capitale ne serait point rasée. Bien que ce refus dût lui faire connaître tous les dangers de sa position, il s’abusa et ne voulut point fuir, de peur de compromettre ses parents. À l’expiration du délai qui lui avait été accordé, il fit ses adieux à sa famille éplorée, à ses amis, à ses défenseurs ; suivi de son trésorier, de son secrétaire et de ses esclaves noirs les plus affidés, il retourna avec ses équipages à la tente d’Ibrahim, reçut ses dépêches pour Mohammed-Ali, et fut dirigé sur l’Égypte, sous l’escorte de 400 hommes. Arrivé au Caire le 9 novembre, il fut présenté au vice-roi, qui lui fit servir le café. Dans l’entretien, il donna les plus grands éloges a la bravoure, aux talents militaires et à la générosité d’Ibrahim. Mohammed-Ali lui ayant demandé ce que contenait une boite qu’il tenait dans la main, il l’ouvrit et montra des objets du plus grand prix qui provenaient des trésors enlevés par son père au tombeau du prophète. Le vice-roi y mit son sceau et la lui laissa pour la remettre au Grand Seigneur. Il le fit ensuite revêtir d’une pelisse d’honneur, et le logea dans le palais de son fils Ismaël. Deux jours après, Abdallah partit pour Constantinople avec ses deux compagnons. Arrivés, le 16 décembre 1818, dans cette capitale, ils furent promenés, chargés de chaînes, dans les principales rues, conduits ensuite en prison et appliqués à la torture. C’est alors, sans doute, et non pas lorsqu’ils étaient en Arabie ou en Égypte, qu’on leur arracha les dents. Le lendemain, ils furent amenés devant le sultan Mahmoud, qui ordonna qu’ils fussent décapités. L’exécution eut lieu dans la soirée, sur la place de Sainte-Sophie, et leurs cadavres, exposés trois jours, furent ensuite abandonnés à la populace. Tel fut le sort du dernier prince des Wahabis ; il était brave, mais il manquait de jugement et de sagacité, n’écoutait pas les sages conseils, et ne savait ni punir ni récompenser à propos. Mohammed-Ali avait réellement demandé la grâce d’Abdallah ; mais il ne put le dérober à la sévérité du divan et a la vengeance d’un peuple fanatique, il sauva du moins ceux de ses fils de ses frères qui avaient été conduits au Caire, et leur assura des pensions alimentaires. Ibrahim fit raser Déreyeb et dévaster les campagnes voisines, pour éterniser la mémoire du châtiment des Wahabis ; et cette secte disparut de l’Arabie. A-t.


ABDALLAH, fils d’Yesid, célèbre jurisconsulte musulman, vivait dans le 7e siècle ; on disait de lui : « Il est pour les hommes qu’il éclaire, ce que le soleil est pour la terre ; » mais lui-même avait coutume de dire qu’un docteur doit toujours laisser à ses disciples quelque point de loi a éclaircir ; qu’ainsi il ne doit jamais rougir de dire Je ne sais point. C’était à peu près la devise de Montaigne : Que sais-je ? et ce devrait être celle de tous les docteurs. V-RE.


ABDALLAH MAKHUL (Abec), muphti de Damas, était loin de se croire infaillible en vertu de sa dignité. Il ne prononçait aucune décision sans dire auparavant ces paroles : « Ce n’est qu’une opinion, et toute opinion est sujette à erreur : il n’y a de certitude et de vérité qu’en Dieu. » V-RE.


ABDALLAH, prêtre d’Alep, établit, vers la fin du 17e siècle, une congrégation de religieux maronites ; et comme il se laissa guider par les conseils du P. Bazire, jésuite, l’article le plus raisonnable de sa règle dispensa de la suivre ceux qui s’en dégoûteraient. V-RE.


ABDALLATIF (Abdel-Lathyf), historien arabe, naquit à Bagdad, en 557 de l’hégire (1164 de J.-C.). Son père le fit instruire dans toutes les sciences que l’on enseignait alors dans cette ville. Abdallatif dirigea d’abord ses études vers la médecine, qu’il professa jusqu’en 581 (1185). À cette époque, il quitta Bagdad et vint habiter successivement Moussoul, Damas, et enfin Jérusalem, d’où il se rendit au camp de Saladin. Il s’y lia d’amitié avec le vizir Bohadin, qui jouissait de toute la faveur du sultan. L’Égypte avait depuis longtemps attiré son attention : il désirait ardemment parcourir cette antique contrée et connaître les hommes fameux qui y florissaient. Bohadin l’y fit précéder de lettres de recommandation, et il y fut très-bien accueilli. Au retour de ce voyage, il alla auprès de Saladin : ce prince, ami des lettres, lui assigna une pension sur son trésor à Damas, qu’Abdallatif allait habiter. Au bout de quelques années, il voulut s’acquitter du pèlerinage de la Mecque, et revoir Bagdad, sa patrie. Mais la mort le surprit dans ce voyage, le 12 de moharrem 629 de l’hégire(9 novembre 1231). Parmi les nombreux ouvrages composés par Abdallatif, deux l’ont placé au rang des plus grands historiens de l’Orient. Le premier, qui est perdu pour l’Europe, était une Description de l’Égypte, divisée en 13 livres, où l’auteur avait rassemblé non-seulement ce qu’il avait vu, mais encore tout ce que les anciens historiens avaient dit sur cette contrée ; l’autre, qui est intitulé : Instructions et Réflexions sur les objets et les événements en Égypte, se divise en deux parties : la première traite de la situation et du climat de l’Égypte, de ses plantes, de ses animaux, des monuments antiques, des édifices, navires, et des différentes espèces de nourriture ; la seconde traite du Nil et de ses particularités, et enfin de l’horrible famine qui affligea l’Égypte en 1200 et 1204. L’exactitude de ses descriptions, et le soin avec le quel il relève les erreurs de ses devanciers décèlent l’homme non moins érudit qu’observateur. Pococke le fils fut le premier qui s’occupa de traduire en latin ce précieux ouvrage ; mais la mort l’empêcha de l’achever. Hyde et Hunt y travaillèrent ensuite ; mais ce projet resta encore sans exécution. Enfin, un savant anglais, M. White, sur le point d’en donner le