En conséquence chacun de ces écrits, c’est-à-dire chacun des articles de la Biographie, devait se détacher d’elle et tomber dans le domaine public à mesure que la mort venait éteindre les droits particuliers à chacun des auteurs auquel il était du. Quant aux frères Michaud, MM. Didot leur refusaient, sauf leurs articles personnels, toute participation intellectuelle et littéraire dans cette œuvre, et ils ne leur reconnaissaient d’autre droit ne celui de simples éditeurs.
Si ce système triomphait, le problème était résolu sur la ruine d’un vieillard et d’une femme, et la Biographie Didot pouvait se faire et allait se faire avec la Biographie Michaud. Tel fut le terrain de la lutte, tel fut le grand principe débattu dans le procès. M. Michaud était-il simple éditeur ou était-il auteur de la Biographie universelle ? En d’autres termes, la loi qui protège la propriété des écrits de tous les genres faisait-elle reposer cette propriété sur la tête de M. Michaud, ou individuellement et séparément sur la tête de chacun de ses collaborateurs, selon la part de collaboration distincte et indéfiniment divisible que chacun d’eux lui avait apportée.
Pour la première fois, peut-être, les tribunaux eurent à descendre dans toutes les profondeurs de la conception, de l’organisation, de l’exécution d’un si vaste ouvrage collectif ; et de ces investigations, la Biographie universelle est sortie non-seulement intacte, mais encore plus forte, plus intrinsèquement connue, et dès lors, elle a le droit de l’ajouter, encore mieux appréciée.
Les débats ont prouvé, et la justice aujourd’hui est unanime à reconnaître :
Que le plan de la Biographie universelle avait été une idée que personne n’avait conçue et exécutée avant elle ;
Qu’elle était· le produit de l’association la plus savante, la plus honorable, la plus choisie, qui eût distingué la rédaction d’un Dictionnaire universel, même à côté de l’Encyclopédie méthodique ;
Que l’œuvre exécutée a été le résultat du concours de toutes ces intelligences supérieures, délibérant entre elles, combinant l’ensemble et se partageant l’exécution des détails ; Que cette exécution était elle-même le fruit d’une admirable distribution du travail, l’association étant organisée en groupes de savants, d’historiens, d’artistes et de littérateurs se partageant l’œuvre, selon la spécialité des groupes, et ensuite selon la spécialité de chacun des membres de ces groupes[1]
- ↑ Voici cette distribution telle qu’elle a été présentée dans les débats et telle qu’elle est conservée dans les annales de
la Biographie universelle :
Astronomie, Physique et Mathématiques. — Biot, Delambre, Lacroix, Maurice.
Géographie, Découvertes et Voyages. — Walckenaër, De Rossel, Malte Brun, Eyriès, Hennequin.
Histoire et Langues anciennes. — Clavier, Daunou, Boisscnnade, Amar Duvivier, Noël, Raoul-Rochette.
Histoire, Littérature et Langues orientales. — Silvestre de Sacy, Abel de Rémusat, de Saint-Martin, Klaproth, Audiffret.
Histoire et Littérature d’Italie. — Ginguené, De Sismondi, De Angelis.
Histoire et Littérature de la France. — Fievée, Villemnin, De Barante, Villenave, De Choiseul, Auger, Durozoir, Delaporte, De Saint-Surin, De Monmerqué, De Beauchamp, Beaulieu.
Histoire et Littérature de l’Allemagne et du nord de l’Europe. — Guizot, Stapffer, Ustéri, Gley, Marron, De Stassart, Depping, Duvau, Schœll, Catteau Calleville.
Histoire et Littérature de l’Angleterre. — Suard, Lal|y-Tollendal, De Sévelinges, Dezos de la Roquette.
Puis ces grandes divisions se subdivisent encore :
Artistes anciens et modernes. — Emeric David, Artaud, Castellan, Périès, Quatremère de Quincy, Landon, Ponce, Fabien Pillet.
Naturalistes. — Cuvier, Dupetit-Thouars, Desprès, Thiébaut.
Archéologie et Numismatique. — Visconti, Millin, Allier d’Auteroche, Sirard, Jacob, Tochon.
Médecine et Art de guérir. — Chaumeton, Adelon, Chaussier, Desgenettes, Percy, Laurent, Renauldin, Richerand.
Jurisconsultes et Magistrats. — Bernardi, Desportes, Foisset.
Histoire ecclésiastique. — Cotteret, Lecuy, Picot, l’abbé Labouderie, Tabaraud.
