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voit que la marche de l’hygromètre, en apparence très-singulière, indique cependant, si on a égard à la température, une progression extrêmement décroissante pour la quantité de vapeur d’eau suspendue dans l’air. On y reconnaît aussi que le décroissement de la température paraît suivre une loi irrégulière, relativement aux hauteurs correspondantes, ce qui provient sans doute, dit Gay-Lussac, de ce que, ayant fait des observations tantôt en montant, tantôt en descendant, le thermomètre aura suivi trop lentement les variations de l’atmosphère. L’ensemble des résultats semble pourtant indiquer un abaissement général d’un degré pour 175 à 180 mètres d’élévation. Enfin, et c’était là le point essentiel, si, dans la première ascension, un accident avait empêché de rapporter de l’air pris à 4 000 mètres de hauteur, dans celle dont nous parlons, les deux ballons en verre furent ouverts par Gay-Lussac, l’un à 6 561, l’autre à 6 636 mètres, et se remplirent, avec sifflement, d’air tel qu’il était à ces hauteurs. Analysé avec toute la précision que l’on pouvait obtenir à cette époque, en présence de MM. Thénard et Gresset, comparativement avec de l’air pris au milieu de la cour de l’école polytechnique, on trouva qu’ils contenaient chacun, sur cent parties, la même proportion d’oxygène, sans une quantité appréciable d’hydrogène. — Tandis que dans la première ascension les nuages ne s’élevaient pas à plus 1 169 mètres, le ciel, au-dessus des voyageurs, étant de la plus grande pureté, Gay-Lussac, arrivé à 7 016 mètres de hauteur, fut étonné de voir des nuages au-dessus de lui, à une distance qui paraissait encore très-considérable. Sous ses pieds, il n’y avait au contraire aucun nuage, mais l’air était vaporeux. Voici quelques-unes des températures observées, avec les hauteurs correspondantes, au-dessus de Paris :

Températures : Hauteurs :
27°,75 au niveau du sol
10°,50 3816 mètres
5°,25 5 001
-3°,25 6040
-9°,05 6977

Enfin, à trois heures onze minutes, dit Gay-Lussac, l’aérostat étant parfaitement plein, et n’ayant plus que quinze kilogrammes de lest, je me suis déterminé à descendre. Dès que je m’aperçus que ce mouvement commençait, je ne songeai plus qu’à rendre la descente extrêmement lente. À trois heures quarante-cinq minutes, mon ancre toucha terre et se fixa. Les habitants d’un petit hameau voisin accoururent bientôt, et pendant que les uns prenaient plaisir à ramener le ballon à eux, en tirant la corde de l’ancre, d’autres, placés au-dessous de la nacelle, attendaient impatiemment qu’ils pussent y mettre les mains pour la prendre et la déposer à terre. Ma descente s’est donc faite sans la plus légère secousse, à côté de St-Gourgon, à six lieues nord-ouest de Rouen. — Aussi douce ne fut pas la descente des intrépides savants, MM. Baral et Bixio qui, le 29 juin et le 27 juillet 1850, lorsque la tombe de Gay-Lussac était à peine fermée, partirent de la cour de l’observatoire, munis d’un riche arsenal d’instruments de précision, pour aller étudier encore la constitution des couches supérieures de l’atmosphère. Malheureusement, le seul résultat nouveau qu’ils ont eu le temps d’obtenir, c’est un abaissement de température observé dans un nuage d’une constitution toute particulière (aiguilles de glace), entre 6000 et 7 000 mètres de hauteur, et allant brusquement de moins neuf degrés à moins trente-neuf degrés. Descendus les deux fois, malgré eux, par suite de déchirures faites à leur ballon, sans avoir dépassé 7 001 mètres, les voyageurs eurent en outre la douleur de voir ceux des instruments qu’ils avaient sauvés du second naufrage aller se briser sur la misérable charrette qui les transportait à la station la plus voisine du chemin de fer. Heureusement pour la science comme pour leurs amis qu’ils ont eu peu à souffrir eux-mêmes dans ces trois circonstances. (Journal de l’Institut.-30 juillet 1850.) — L’attachement réciproque de Humboldt et de Gay-Lussac était connu même des plus jeunes étudiants au commencement de ce siècle. La généralité des connaissances de l’auteur du Voyage ou tropique les mit de bonne heure en contact, et nous les trouvons déjà, le 1er janvier 1805, présentant en commun à l’Institut un travail important sur les moyens eudiométriques et sur la proportion des principes constituants de l’atmosphère. Peu de temps après, Gay-Lussac, alors répétiteur du cours de Fourcroy, ayant obtenu un congé d’un an, ils partirent de Paris le 12 mars 1805, pour entreprendre, dans un voyage en France, en Suisse, en Italie et en Allemagne, une série d’expériences sur l’inclinaison de l’aiguille aimantée et sur l’intensité de la force qui la dirige à diverses latitudes. Le résultat de ces mesures fut présenté à l’Institut le 8 septembre 1806, dans un travail rédigé par Gay-Lussac et qui fut inséré en tête du premier volume des Mémoires de la société d’Arcueil, fondée par Bertholet l’année suivante[1]. On y trouve la confirmation, pour la France, l’Italie et l’Allemagne, d’une loi déjà découverte et vérifiée par Humboldt en Amérique, savoir, que l’intensité de la force magnétique est croissante en allant de l’équateur aux pôles ; les inclinaisons diminuant, d’ailleurs, avec la latitude, d’une manière assez régulière. Arago, dans son beau travail sur Gay-Lussac, a donné un récit fort intéressant de ce voyage, pendant lequel le célèbre géologue Léopold de Buch vint bientôt rejoindre les deux amis. On y voit que le Vésuve ne dédaigna pas de les rendre témoins de l’une de ses plus terribles évolutions. Éruptions de poussière, torrents de lave, phénomènes électriques, rien n’y manqua, avec accom-


  1. Les membres de cette société étaient : Laplace, Berthelot père, Biot, Gay-Lussac, Humboldt, Thénard, Decandolle, Collet-Descotils et Bertholet fils.