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qui fût utile à ses semblables, le firent bientôt distinguer des autres contre-maîtres des bâtiments de la compagnie qui naviguaient dans la baie. Il effectua en 1768 un voyage vers le haut de cette baie, pour améliorer la pêche de la morue, et contribua, par ses recherches, à faire mieux connaître les côtes de ces parages. Les directeurs de la compagnie, instruits de son zèle, pensèrent que personne ne convenait mieux pour l’exécution de deux projets qui les occupaient depuis longtemps; l’un était la découverte du passage au N. O., tant de fois tentée sans succès; l’autre, celle d'une mine de cuivre, située très-haut dans le nord, près de l’embouchure d’un fleuve qui coulait dans cette direction, et dont les récits des Indiens avaient donné connaissance dès 1715. Quelques tentatives faites pour y arriver par mer n’avaient pas réussi. Enfin, en 1768, des Indiens du nord ayant apporté au fort anglais de nouveaux renseignements sur ce fleuve, et un morceau de cuivre qu’ils disaient provenir de la mine voisine, le gouverneur transmit ces nouveaux détails à la compagnie, en les lui recommandant comme dignes de son attention. La découverte fut résolue. Hearne, désigné pour cette expédition, partit le 6 novembre 1769, accompagné de deux blancs et de quelques Indiens ; aucun de ceux-ci ne connaissait le grand fleuve de la mine de cuivre. On fit route à l'0. N. 0.; la neige couvrait la terre ; le sol était inégal, rude et pierreux; on allait à pied; chacun tirait un traineau. L’on n’avait encore fait que deux cents milles, lorsque le chef des Indiens et sa troupe abandonnèrent Hearne, qui le 30 revint sur ses pas, et le 11 décembre fut de retour au fort, à son grand chagrin, et à la surprise extrême du gouverneur. Cette mésaventure ne découragea pas Hearne: il se disposa pour un second voyage; mais il ne prit point d’Européens avec lui cette fois, ayant reconnu qu’ils n’étaient d’aucune utilité, à cause du peu d’égards que les sauvages avaient pour eux. Le 5 février 1770, il se mit en route à peu près dans la même direction que la première fois, avec un Indien qui, suivant son récit, était allé bien près du fameux fleuve, et en mena cinq autres. Arrivé en mars à 58° 46’de latitude boréale, et à 5° 57’ à l’ouest du fort, Hearne, sur les représentations de son guide, s'arrêta en attendant que la belle saison permit de s’avancer au nord. Il s'occupa, pendant son séjour, à mettre son journal en ordre, et à dresser sa carte. Vers la fin de l’hiver, il fut quelquefois réduit à une grande détresse. Le 24 avril, il se remit en route. La troupe était augmentée; elle se monta graduellement jusqu’à six cents personnes. On était parvenu au 63° 10’de latitude, et à 10° 40’ à l’ouest du fort, lorsque le 12 août le quart de cercle de Hearne fut renversé par un coup de vent et brisé. Cet accident lui fit prendre le parti de retourner au fort. Le lendemain, des Indiens du N. 0., qui venaient d’arriver, lui enlevèrent la plus grande partie de ses effets les plus utiles, et son fusil; ce vol le mit très-mal à son aise. Heureusement il rencontra le 20 novembre un chef indien plus honnête, nommé Matonnabi, lequel pourvut à ses besoins, et lui promit de le mieux guider dans une nouvelle entreprise s’il voulait la tenter. Hearne ne demandait pas mieux. Il rentra dans le fort le 25 novembre. Matonnabi proposa un nouveau plan de voyage, qui faisait honneur à sa pénétration et à son jugement. Hearne s’empressa de l’adopter, et muni d’un nouveau quart de cercle, il partit le 7 décembre. La route que prit la nouvelle troupe fut dirigée plus à l’ouest que les deux premières fois; le pays qu’elle parcourut était de même inégal, caillouteux, entrecoupé de lacs et de petites rivières, stérile et peu habité ; le 25 avril 1771, l’on marcha droit au nord; l’on était alors par le parallèle du 60° degré de latitude, et à plus de six cents milles à l’ouest du fort. L’on fit halte à quelque distance pour construire des canots, afin de traverser les lacs. Hearne vit arriver plus de deux cents Indiens, dont la plupart venaient pour les mêmes motifs sur les bords du lac où il était campé. Quoique l’on fût à la fin de mai, le temps était froid ; il tombait de la neige et de la pluie; en s’avançant au nord, la température fut la même au milieu du mois de juillet. Le 22 juin, la troupe rencontra les Indiens de la mine de cuivre, que Hearne dépeint comme des hommes obligeants. Il traversa ensuite la chaîne des monts pierreux, et le 13 juillet il arriva enfin sur les bords du fleuve de la mine fameuse, objet de ses recherches. Ce fleuve était peu large et rempli de cataractes. Ce fut peu de jours après que ce voyageur infatigable eut la douleur de voir ses compagnons de voyage, qui n’avaient eu que de bons procédés pour lui, se souiller par le massacre d’une petite horde d’Esquimaux qu’ils surprirent pendant la nuit: massacre prémédité depuis plus de six semaines, commis de sang-froid, et accompagné de toutes les atrocités imaginables. Il faut dire à la louange de Matonnabi, qu’il fit tout ce qu’il put pour détourner sa tribu et les autres Indiens de cet acte de férocité. Le 17 juillet, Hearne aperçut au nord la mer, qui s’étendait de l’est à l’ouest. Il continua ses observations jusqu’à l’embouchure du fleuve, et vit qu’il n’était guère navigable que pour un canot. Il aperçut de la glace au large, et des phoques couchés sur les glaçons ; le rivage était couvert d’oiseaux de mer. Dans les tentes des malheureux Esquimaux il avait observé des ossements de baleine ; toutes ces circonstances lui firent penser que c’était la mer qu’il avait devant lui: elle était remplie d’îles et d’écueils; la glace ne commençait à fondre qu’à environ trois quarts de mille de la cote. Les Indiens du pays lui dirent qu’elle était toujours gelée. Il détermina la latitude de cette embouchure à 71° 54’, et conformément à ses instructions il prit possession du pays au nom de la compagnie. Il alla ensuite reconnaître la mine de cuivre, située