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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 19.djvu/86

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tandis qu’il n’aurait dû voir dans cet événement que l’ignorance de ses prédécesseurs. Dès lors il abjura sa profession, jusqu’à témoigner un vif repentir d’avoir dérogé pour ainsi dire à sa noblesse par le choix d’un tel état. Dans son dépit, l’ex-médecin résolut de quitter sa patrie pour n’y plus rentrer : il lit don de ses biens à sa sœur, et, pour mettre le comble à son mépris pour la médecine, il dissipa tout l’argent qu’il avait retiré de la vente de ses écrits. Après avoir erré pendant dix ans, Van Helmont rencontra un empirique, sans lettres, qui lui donna quelques notions de chimie expérimentale : il prit goût pour cette science, avec son emportement ordinaire, et à l’exemple de Paracelse qu’il choisit pour modèle, il se mit à chercher dans la chimie le remède universel. Quelques préparations médicinales, obtenues en opérant sur les fossiles, les animaux et les végétaux, lui parurent renfermer les vertus suffisantes pour composer sa panacée. Ces succès rendirent à Van Helmont son ancienne passion pour la médecine, mais c’était une médecine nouvelle et toute de sa création; il s’intitula medicus per ignem, faisant allusion par là à la source d’où sortaient ses remèdes. Van Helmont s’étant alors marié avec une demoiselle noble et riche, se retira dans la petite ville de Vilvorde, à deux lieues de Bruxelles. Là, renfermé dans son laboratoire, il s’occupa de ses travaux chimiques jusqu’à la fin de ses jours, se vantant d’avoir trouvé le moyen de prolonger la vie et la santé, écrivant des théories extravagantes sur l’organisation intellectuelle et physique du genre humain, sur les causes et le traitement de nos maladies. Van Helmont ne connaissait point les principes élémentaires de la chimie, science alors encore au berceau: il ignorait même l’art de manipuler; en sorte que son noviciat dans ses expériences fut long, et qu’il y courut souvent risque de perdre la vie au milieu des explosions, des expansions gazeuses qui s’opèrent inopinément pour l’ignorant qui, procédant au hasard, ne les saurait prévoir. Ce chimiste finit cependant par devenir un habile manipulateur, et découvrit l’huile de soufre per campanum, le laudanum de Paracelse, l’esprit de corne de cerf, celui de sang humain, le sel volatil huileux, et beaucoup d’autres préparations chimiques, qui, selon lui, devaient remplacer les remèdes galéniques. Ce fut l’époque où il prit à tache de renverser les doctrines admises par les écoles. Plusieurs des critiques de Van Helmont, étaient sans doute fondées ; mais ce qu’il proposait à son tour était moins raisonnable encore. Selon Van Helmont, il existe en nous deux principes, ayant des degrés divers d’intelligence; ce sont des êtres abstraits qu’il nomme, le premier duumvirat. et le second archée. Ces deux puissances se partagent l’empire du corps humain; mais le duumvirat agit avec plus de despotisme et de pouvoir : il siège dans l’estomac et dans la rate, préside à toutes les actions de l’âme, dont

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la demeure est aussi dans l’estomac et la rate; le duumvirat résulte d’un accord, d’un concours d’action entre ces deux viscères, et se compose de l’intelligence ou force sensitive, et de l’intelligence propre à l’esprit immortel. Or, le duumvirat est en même temps l’âme et la matière. L’on voit que les idées les plus contradictoires, les plus absurdes, déshonorent ce système. Bientôt la religion est invoquée pour expliquer ces contradictions: "Nous avons, dit Van Helmont, une âme brute qui préside aux actes de nos organes ; cette âme est devenue mortelle depuis qu’Ève pécha: c’est l’archée. Le duumvirat, seul, recèle l’âme immortelle, et recoit d’elle sa suprême intelligence." A l’époque où vivait le médecin brabançon, les médecins se perdaient en spéculations sur le siège de l’âme, et cherchaient à expliquer ce qui est incontestablement au-dessus de l’entendement humain : Van Helmont, qui ne connaissait ni la circulation du sang ni la propriété irritable de la fibre musculaire, trompé par les phénomènes qui en résultent, raisonne souvent en matérialiste, tout en croyant à la spiritualité de l’âme. Il refuse au cerveau l’honneur de donner asile à l’âme, parce que, selon lui, ce viscère ne contient point de sang : l’âme habite l’estomac, car dès qu’on reçoit une mauvaise nouvelle l’on perd l’appétit. Est-on affamé? l’on ne rêve que festins, parce que l’estomac médite sur le besoin qu’il éprouve. L’âme, divisée en deux puissances dans le duumvirat, partage son empire en deux: l’orifice supérieur de l’estomac est le siège de l’un, et le pylore ou la rate (que l’auteur confond) est le chef-lieu de l’autre. Le premier gouverne despotiquement la tête et préside au sommeil, à la veille, à la folie, au délire, etc.; le second régit le ventre, la vessie, l’utérus, la génération, etc. Est-on malade? si le médicament envoyé au duumvirat est convenable, celui-ci le savoure et le dirige vers l’organe lésé. Venons maintenant à l’archée : ce principe intelligent commande à la matière; il la modifie; il s’en enveloppe, pénètre dans les parties les plus intimes; il préside au goût, à l’odorat, à la digestion, à la nutrition et à la réparation : cet archée se passionne, s’irrite si les choses ne se sont point passées, dans l’acte de l’assimilation des aliments, selon ses volontés; de là, les maladies contre lesquelles l’archée se met en défense. Les médicaments relèvent ou diminuent ses forces, selon la situation de l’archée. Indépendamment de cet être intelligent et fort, il existe, sous sa dépendance, plusieurs petits archées, agents inférieurs, chargés du soin d’un département, dans lequel ils sont tenus de résider. Ainsi le cerveau, le foie, l’utérus, etc., ont leurs petits archées. Le chef suprême leur envoie ses ordres, auxquels ils sont tenus de se conformer : dans ce cas, la santé n’éprouve aucun trouble ; mais la moindre désobéissance détruit l’harmonie de nos fonctions. Ainsi l’archée, tantôt intelligent comme