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d’Anhalt-Coethen, qui avait considéré Napoléon comme le type de toutes les vertus que doit réunir un souverain, s’était avisé de le prendre pour modèle dans toutes les parties du gouvernement de ses petits États, et avait, par une déclaration solennelle, adopté la constitution salutaire que le plus sage législateur du monde, Napoléon le Grand, a donnée à ses peuples qu’il aima comme un père (c’étaient les propres termes de l’édit du 28 décembre 1810). En conséquence le duché d’Anhalt-Coethen, qui n’a que 40 lieues carrées et 52,500 habitants, avait été divisé en départements et arrondissements : et le prince y avait établi un sénat, des ministres, un conseil d’État, des préfets, des maires, une garde nombreuse et un ordre du Mérite. Mais malgré ces changements, ou plutôt à cause de ces changements, le peuple se trouva bientôt en proie à toutes les calamités : des lois si brusquement et si intempestivement établies furent méconnues, et il n’y eut plus de sûreté personnelle ; la dette s’éleva à plus de 10 millions de francs, et les ressources manquèrent pour en payer les intérêts ; enfin le commerce et l’industrie furent anéantis. Tel était l’état de ce malheureux pays, lorsque le duc Frédéric mourut le 5 mai 1811. La tutelle de son neveu et héritier devait, suivant un pacte de famille, être confiée au grand-duc de Hesse-Darmstadt : mais, celui-ci n’en voulant pas, François l’accepta et devint, à ce titre, régent d’Anhalt-Coethen. Son premier soin fut de suspendre la constitution, de licencier la garde du feu duc, de réduire le nombre des fonctionnaires, et d’établir un conseil de régence compose d’hommes éclairés. Ensuite il travailla avec une grande persévérance à restaurer les finances, et introduisit peu à peu le mode d’administration qui, depuis si longtemps, faisait le bonheur du Dessau. Dès le commencement des hostilités (1812), les troupes de la confédération du Rhin étaient entrées en campagne. Le contingent du Dessau fut d’abord envoyé dans le Tyrol, et de là en Espagne, où il périt presque tout entier. Celui qui le remplaça eut le même sort a la bataille de Kovno. Au printemps de 1813. le prince d’Anhalt avait déjà mis sur pied un nouveau contingent, lorsque la Prusse appela tous les Allemands aux armes pour l’affranchissement de la commune patrie. Cet appel excita le plus vif enthousiasme dans le Dessau, et le contingent, grossi d’un grand nombre de jeunes volontaires, alla joindre les armées confédérées. Mais, peu de temps après, les Français envahirent le pays, et alors le duc ne vit plus d’autre moyen de salut que de déclarer que ses troupes avaient agi sans son consentement, et d’ordonner que tous les militaires retournassent dans leurs foyers, sous peine d’être regardés comme rebelles et d’avoir leurs biens confisqués. Cet ordre, comme on le pense bien, ne fut pas exécuté. Le corps de Dessau se mit bientôt à la solde de l’Angleterre, et combattit, sous le général Walmoden, à Gœhrde et en plusieurs autres occasions, jusqu’à ce que, le 10 décembre, après avoir tiraillé pendant six heures près de Rendsbourg, il fut mis en déroute par la cavalerie danoise. Pendant ce temps le duc d’Anhalt se vit obligé de fournir à Napoléon un régiment de chasseurs à cheval de cinq cents hommes, dont la plupart furent faits prisonniers à la bataille de Culm. Dans l’hiver de 1814, le duc François envoya en France aux armées alliées un bataillon de landwehr et un bataillon de fusiliers, et bientôt après il organisa dans son pays une levée générale (landsturm). Il avait déjà permis à ses deux petits-fils, Léopold-Frédéric (actuellement duc régnant), et George-Bernard, de prendre part à la campagne, le premier dans l’armée prussienne, et l’autre dans l’armée autrichienne. Malgré les sommes énormes qu’avaient coûté, depuis 1810, l’entretien du contingent et la réparation des pertes musées par les fréquents passages des armées étrangères (trois fois il fallut reconstruire le pont de l’Elbe et plusieurs autres sur la Mulde), on n’avait établi qu’un impôt de guerre très-léger ; le Dessau était exempt de dettes, et ses finances se trouvaient dans un état véritablement florissant. Mais en 1813 le gouvernement se trouva dans la nécessité de recourir à un emprunt. En premier appel étant resté sans effet, il fallut en faire un second, et même y ajouter des menaces de contrainte. François l’accompagna d’une proclamation, dont voici le début : « Pendant une longue série d’années j’ai accordé toutes les demandes raisonnables de mes sujets. Les derniers événements m’ont privé des moyens de satisfaire, sous ce rapport, les désirs de mon cœur, et désormais je ne pourrai secourir que très-rarement ceux qui sont dans le besoin, si Dieu ne nous donne bientôt des temps meilleurs. » (Ces paroles affectueuses du vieux duc firent plus que les menaces, et dans peu de jours la somme demandée se trouva réunie. L’emprunt dont il s’agissait était de un million de francs, et après on en contracta immédiatement un autre de 600,000 francs. Mais le pays ne resta pas longtemps obéré : François fit des réductions dans toutes les dépenses de l’État, et surtout dans sa maison ; il supprima le théâtre et sa chapelle-musique, de sorte que, dès la fin de 1816, on put rembourser une partie des deux emprunts, et que, peu d’années après, toute la dette publique était éteinte. — Le 8 juin 1815, François signa son adhésion aux statuts de la confédération germanique, qui accordent à la maison d’Anhalt, en commun avec celles d’Oldembourg et de Schwarzbourg, une voix délibérative à la diète. La mort lui avait enlevé en 1814 son fils unique, le prince héréditaire. L’affliction que lui causa cette perte cruelle affaiblit tellement sa santé qu’il se vit obligé de confier une partie des soins du gouvernement à un conseil intime, dont l’existence cependant ne fut annoncée officiellement qu’en 1816. Vers la fin de cette année, il tomba dans une maladie de langueur qui mit un terme à sa vie le 9 août 1817. Ainsi mourut ce prince, après un règne de 58 ans, dont tous les jours furent consacrés au bien-être de ses sujets. Le seul reproche qu’on ait pu lui faire, c’est d’avoir trop sacrifié à son penchant pour les femmes, et d’avoir négligé celle que le sort lui avait donnée[1].

  1. Elle mourut en 1811.