Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
ARG

genti affirme que ce fut la première pastorale composée en italien, et qu’il l’avait écrite dans sa jeunesse ; elle est divisée en 5 actes, sans chœurs, et avec neuf interlocuteurs. On a encore d’Augustin Argenti : Cavallerie di Ferrara, ouvrage dans lequel il décrit les fêtes publiques et les spectacles donnés à la cour des ducs de Ferrare. G-é.


ARGENTI (Borso), frère du précédent, né a Ferrare, comme lui se livra aussi d’abord a la profession des lois. Il prit ensuite l’état ecclésiastique et fut fait archiprêtre de la cathédrale de Ferrare. Envoyé à Rome pour les affaires de son chapitre, il y mourut en 1594. La poésie italienne était pour lui un délassement. On trouve un essai de ses talents dans le Rime scelle de’ Poeti ferraresi. On lui doit me comédie en prose, la Prigione, Ferrare, 1580, in-8°, et Venise, 1587, in-12, qui est regardée comme l’une des meilleures de ce temps-la. G-é.


ARGENTIER (Jean), médecin, naquit à Quiers, ville de Piémont, en 1513. Des dispositions naturelles qu’il cultiva avec ardeur le firent triompher des obstacles que dut apporter à sa profession le peu de fortune de ses parents. En 1559, il commença à exercer la médecine à Lyon, où il avait été attiré par son frère aîné, Barthélemy, médecin comme lui ; il y resta cinq ans, et, en 1543, passa à Anvers, puis en Italie ; il enseigne avec succès à Naples, à Pise et à Turin, où il se fixa et épousa Marguerite Broglie, sœur de l’archevêque de cette ville. Il y mourut en 1572, âgé de 59 ans. Argentier avait reçu de la nature un génie actif, mais qu’il ne sut pu diriger ; il acquit de vastes connaissances dans les diverses théories qui se sont succédé dans la médecine ; il savait en débrouiller le chaos ; mais entièrement occupé de cette étude critique, qu’on pourrait appeler l’étude des médecins plutôt que celle de la médecine, il n’acquit nullement la connaissance des mouvements que présente la nature malade, l’observation des lois qu’elle suit alors, ni enfin ce tact et cette expérience qui doivent diriger dans les applications. Il se fit remarquer par les préventions les plus injustes contre Galien, et il y revient sans cesse dans ses nombreux écrits, imprimés séparément en différents temps, qu’on a réunis plusieurs fois après sa mort, et dont l’édition la plus complète est celle de Hanovre, in-fol., 1610. Il faut joindre à ce volume le traité de Erroribus veterum medicorum, Florence, 1553, in-foi. G. et A-n.


ABGENTON (Marie-Louise-madeleine-Victoire le Bel de la Boissière de Sery, comtesse d’), l’une des premières maîtresse du régent, était née vers 1680, à Rouen, d’une famille noble. Elle fut élevée a l’abbaye de Gomerfontaine, avec une de ses sœurs qui, ne se sentant aucun goût pour le monde, s’y fit religieuse. Mademoiselle de Sery, n’ayant pas la même vocation, fut placée par madame de Ventadour, sa parente, auprès de Madame (Charlotte-Élisabeth, voy. ce nom), comme fille d’honneur. « Sery, dit Madame, est aimable et fort amusante, mais sans beauté ; elle n’a ni traits ni taille. » (Fragments de lettres originales, t. 1er, p. 237.) Il est permis de douter que ce portrait soit très-ressemblant. Suivant un auteur contemporain (le P. de la Motte), mademoiselle de Sery, sans être une beauté parfaite, avait de grands agréments et beaucoup d’esprit. Quoi qu’il en soit, elle inspira au duc d’Orléans la passion la plus vive qu’il ait jamais éprouvée, et elle y répondit avec la même ardeur. Bientôt, ne pouvant plus cacher les suites de sa faiblesse, elle fut obligée de sortir de chez Madame. Alors son amant lui donna un appartement au Palais-Royal, où elle accoucha d’un fils qui fut connu depuis sous le nom de chevalier d’Orléans. Dés ce moment elle eut une maison, des amis et une petite cour. Madame de Ventadour, qui, tout en affichant la dévotion, n’avait pas cessé de la voir, se chargea de la diriger, et lui donnait des conseils dont elle se trouvait fort bien. Après avoir fait reconnaître et légitimer son fils (juillet 1706), elle voulut avoir pour elle-même un titre qui lui rendit une partie de la considération qu’elle avait perdue. Le prince, toujours empressé de faire ce qui pouvait être agréable à sa maîtresse, lui fit présent de la terre d’Argenton, et obtint, non sans peine, du vieux roi, des lettres patentes qui permettaient a mademoiselle de Sery d’en porter le nom. On doit lui rendre la justice qu’elle n’abusa jamais de l’empire qu’elle avait sur son amant, et qu’elle fut constamment étrangère aux intrigues de la cour. Madame de Maintenon, qui ne l’aimait pas, lui reproche seulement le scandale qu’elle avait causé en allant à Grenoble au-devant du duc d’Orléans qui revenait de l’armée d’Italie ; mais il est probable qu’elle ne fit qu’obéir a son amant, pressé de la voir après une assez longue absence. La durée d’un semblable attachement paraissait si peu naturelle que chacun cherchait à l’expliquer. « On croit, et dit madame de Maintenon, que, dans le fond, le duc d’Orléans en est bien las, et que ce n’est qu’une générosité et une bonté mal entendues qui lui font soutenir la gageure. » (Lettres à la princesse des Ursins, t. 1er, p. 180.) Il n’était guère possible que les deux amants vécussent dans une intelligence parfaite. « Mon fils, dit Madame, s’est brouillé avec Sery parce qu’elle exigeait qu’il l’aimât dans le genre pastoral, en berger qui soupire. J’ai souvent ri quand il se plaignait à moi de ce travers de Sery. Pourquoi vous affliger ? lui disais-je en plaisantant ; si cela ne vous accommode pas, laissez-la en paix ; vous n’êtes point du tout obligé de feindre un amour que vous ne sentez pas. » (Fragments, etc., t. 1er, p. 25ä.) Subjugué par sa passion, le prince était incapable de suivre les conseils de sa mère ; et, après quelques jours qui lui avaient paru bien longs, il retournait aux pieds de sa maîtresse, plus amoureux que jamais. La force de cet attachement dans un prince qui passait pour léger finit par donner lieu aux conjectures les plus extraordinaires. On prétendit que le duc d’Orléans n’attendait que la mort de sa femme pour épouser sa maîtresse, et qu’il avait le projet de la faire reine d’Espagne. Quoique de pareils bruits, répétés avec malice par les courtisans, n’eussent aucune apparence de réalité, ils ne laissèrent pas que d’accroître