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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 21.djvu/447

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tion de Wolhner ayant paru offrir plus complètement que celle de M. Rink le vaste et intéressant tableau de la terre et de ses habitants, que Kant avait composé des traits recueillis dans un nombre immense d’historiens et de voyageurs, sa lecture favorite. Cette description a été reproduite par C.-G. Schelle, en deux volumes, avec des corrections et des augmentations tirées de relations plus récentes, mais qui devraient être beaucoup plus nombreuses, pour la mettre au niveau des connaissances actuelles. À cette notice sur un travail de Kant étranger aux conceptions hardies et aux analyses profondes qui ont fait sa renommée, se rattache naturellement le peu que nous avons à dire sur celles des productions de sa plume qui n’ont pas de rapport avec son système. Dans la première des deux périodes de sa carrière littéraire, qui. offrent deux hommes et deux génies différents, on voit Kant occupé de physique, de mécanique, d’astronomie et de géographie encore plus que de philosophie proprement dite. À cette époque appartiennent vingt-cinq écrits plus ou moins considérables ; nous n’en pouvons indiquer que quelques-uns des plus remarquables par des vues neuves et profondes : 1° Pensées sur la véritable évaluation des forces vives, et Critique des démonstrations employées par Leibnitz et d’autres mathématiciens (Wolf, Bernoulli, Hermann, Bülfînger, etc.), dans cette matière (240 p. in-8o avec deux planches, 1746). L’ouvrage de Zanotti sur la même question parut dans la même année. ― 2° Histoire naturelle du monde, et Théorie du ciel d’après les principes de Newton (1755, et pour la quatrième fois, 1808, in-8o). Il établit par l’excentricité progressivement plus forte des orbites planétaires qu’il doit exister des corps célestes placés entre Saturne et la comète, la moins excentrique. D’autres conjectures encore sur le système du monde, sur la voie lactée, les nébuleuses, sur l’anneau de Saturne, ont été pleinement confirmées, trente ans plus tard, par les observations d’Herschel, qui, frappé des prédictions raisonnées de Kant, a plus d’une fois exprimé son admiration pour le génie de l’auteur de la Théorie du ciel. – 3° Théorie des vents, 1756, in-4o ; — 4e Nouvelle Théorie du mouvement et du repos des corps, avec un essai de son application aux éléments de la physique, 1758, in-4o. – 5e Essai sur les quantités négatives en philosophie, 1763, in-8o. Il semble qu’en rédigeant ce petit écrit de soixante-douze pages, Kant ait eu quelques pressentiments des découvertes de la chimie moderne et du galvanisme. De la fausse subtilité des quatre figures du syllogisme, 1762, in-8o ; 7e Seule base possible pour établir solidement une démonstration de l’existence de Dieu, 1763, in-8o, 205 p. Ces deux traités, surtout le dernier, attirèrent sur lui l’attention de toute l’Allemagne, comme sur l’homme le plus propre à opérer dans les sciences philosophiques la réforme dont le besoin se faisait de jour en jour plus vivement sentir. L’argument unique exposé dans le n° 7, et renversé ensuite par Kant dans la Critique de la raison pure, avec tous les autres arguments fondés sur des raisonnements théorétiques, repose sur la nécessité de croire à une réalité, dont l’anéantissement anéantirait toute possibilité, et sur l’impossibilité de reconnaître un pareil caractère dans le monde ; dont l’existence et les propriétés sont contingentes et variables. 8e Les Considérations sur le sentiment du beau et du sublime (1771, in-8o) renferment des pensées fines, exprimées spirituellement, mais n’attaquent pas le fond du sujet, et ne doivent pas être confondues avec la profonde analyse de ces sentiments, qui forme la première section de la Critique du jugement. 9e Sur les races diverses de l’espèce humaine, 1775 ; morceau souvent réimprimé, dont les idées ont été en partie adoptées par Blumenbach, et expliquées par le docteur Girtanner, dans un ouvrage particulier. Kant y ajouta de nouveaux développements en 1785. Tous ces écrits, de la première époque de Kant, ont été réunis, par le professeur Tieftrunk, en quatre volumes (les trois premiers en 1799, le quatrième en 1807, à Halle), avec les traités, d’une étendue bornée, qui ont paru depuis 1781. Ces derniers sont au nombre de vingt-cinq, et, pour la plupart, tirés des journaux, où ils avaient d’abord été insérés par l’auteur on en trouvera la liste dans Meusel, et, plus complète, dans la Vie de Kant par M. Borowski (p. 44-83). Aucun de ces opuscules n’est sans intérêt ; presque tous sont remplis de conceptions neuves et grandes sur les sujets les plus variés. Tous sont, comme les plus petits traités d’Aristote et de Bacon, dignes de l’attention du littérateur aussi bien que du philosophe, du théologien, du jurisconsulte, de l’historien, autant que du naturaliste et du physicien ; c’est une mine de pensées originales et profondes, de renseignements savants et de rapprochements ingénieux, qu’il sera longtemps encore difficile d’épuiser. Il serait trop long d’en donner l’analyse, et fort inutile d’en transcrire ici la stérile nomenclature (1)[1]. Nous ne ferons mention que de l’écrit intitulé la Contestation des facultés académiques (1798) où il discute jusqu’à quel point il doit être permis, à un fonctionnaire dans l’ordre de l’enseignement de soumettre au public, en sa qualité de membre de la république des lettres, des opinions contraires à la doctrine qui est enseignée dans les écoles, par ordre de l’Église et du gouvernement, et à laquelle il doit se conformer lui-même dans la chaire académique ou ecclésiastique. Dans la préface de ce traité, l’auteur raconte en détail le seul événement qui ait troublé le calme parfait de toute sa vie, les difficultés qu’il eut avec la censure royale de Berlin,

(1) On trouvera la liste complète et traduite de tous les ouvrages de Kant, dans la biographie de ce philosophe, en tête de la traduction de la Critique de la raison pure, par l’auteur de cette note, 2e édit. 1845, p. 30-35. J. T-T.


  1. (1) On trouvera la liste complète et traduite de tous les ouvrages de Kant, dans la biographie de ce philosophe, en tête de la traduction de la Critique de la raison pure, par l’auteur de cette note, 2° édit. 1845, p. 30-35. J. T-T.