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nent, né à Givet, dans les Ardennes belges, le 27 mars 1797, entra dans la compagnie en 1825. Il se fit connaître d’abord par la reproduction en fac-simile de l’Antiphonaire de St-Gall. Ce travail fut l’occasion d’une polémique, non résolue encore, sur le point de savoir si cet Antiphonaire était l’original même donné par le pape St-Grégoire à l’abbaye de St-Gall, ou si ce n’était qu’une reproduction à peu près contemporaine. Le P. Lambillote écrivit beaucoup de musique religieuse, plusieurs messes solennelles, plus de cent cinquante motets et un grand nombre de cantiques. Dans la maturité de son talent, il voulut consacrer toutes ses forces et le reste de sa vie à la belle œuvre de l’unité dans les chants liturgiques. Deux voyages en Suisse, deux en Angleterre, l’exploration minutieuse des principales bibliothèques de France, d’Autriche, de Hongrie, de Bavière, de Lombardie, de Belgique et de Hollande, lui firent passer sous les yeux et mirent à sa disposition des trésors inestimables en fait d’ancienne notation. Parvenu à déchiffrer ces signes neumatiques presque aussi aisément que la musique moderne, il restaura, grâce à leurs secours, la suite intégrale des chants liturgiques. En même temps, il écrivait un grand ouvrage intitulé Esthétique, théorie et pratique du chant grégorien, sorte de mémoire justificatif destiné à précéder ses livres liturgiques. (Ce dernier ouvrage a été publié après sa mort, par les soins pieux de son confrère et ami le R. P. Dufour.) Le R. P. Lambillote, épuisé par le travail, mourut subitement, le 27 février 1855, au collége de l’immaculée-Conception, à Vaugirard. Il avait eu deux frères plus jeunes, membres, comme lui, de la compagnie de Jésus, et qui l’avaient précédé dans le tombeau. Les titres de ses principales œuvres sont, en outre de toutes les parties du chant romain restauré qu’il a publiées : 1° Antiphonaire de St-Grégoire, fac-simile du manuscrit de St-Gall (copie authentique de l’autographe écrit vers 790), accompagné : 1. d’une notice historique ; 2. d’une dissertation donnant la clef du chant grégorien dans les notations antiques ; 3. de divers monuments, tableaux neumatiques inédits, etc., Paris, 1851, gr. in-4° avec figures ; 2° Recueil de chants sacrés, ou Plain-Chant noté en musique des saluts, vêpres et messes de toute l’année, selon le rite romain, avec accompagnement d’orgue (ad libitum), Paris, 1851, gr. in-4°. Cet ouvrage est l’application de longues et savantes recherches de l’auteur à la partie de l’office où le peuple doit prendre une plus grande part. Il contient les chants traditionnels de l’Église, rétablis dans leur beauté native, et dans une notation facile, mise à la portée de tous les fidèles. 5° Saluts, avec accompagnement d’orgue ou de piano, pour les fêtes de 2e et 3e classe, Paris, 1844, 12 livraisons gr. in-4° ; 4° Saluts pour les fêtes du saint sacrement, du sacré cœur de Jésus, de Marie immaculée et des saints martyrs, à trois et quatre voix, avec orgue, Paris, 1851, 12 livraisons gr. in-4° ; 5° Esthétique, théorie et pratique du chant grégorien, restauré d’après la doctrine des anciens et les sources primitives, par le R. P. Louis Lambillote, de la compagnie de Jésus ; ouvrage posthume, ’ édité par les soins du P. J. Dufour, de la même compagnie, Paris, 1855.

L. P-s.


LAMBIN (Denis), l’un des plus savants hommes qui aient honoré la France au 16e siècle, naquit vers 1516 à Montreuil-sur-Mer[1], dans la Picardie. Il fit ses premières études au collége d’Amiens, et y professa les belles-lettres pendant quelques années. Il accompagna ensuite le cardinal de Tournon à Rome, et profita de son séjour en Italie pour en visiter les principales villes, et se lier d’amitié avec les savants. De retour à Paris, sur la présentation d’Amyot et des cardinaux de Lorraine et de Tournon, il fut nommé professeur d’éloquence au collége royal, et, l’année suivante (1561), professeur de langue grecque. Il fit l’ouverture de ses leçons par un excellent discours, dans lequel il trace la marche qu’il se proposait de suivre, et annonce qu’il expliquera alternativement l’Iliade et les Philippiques, les deux ouvrages les plus propres à former des orateurs et des poëtes. Le nombre de ses auditeurs était considérable ; mais la maladie contagieuse qui dévastait Paris fit bientôt déserter son école ; elle lui enleva un neveu qu’il aimait tendrement, et il se vit obligé de chercher loin de cette ville, des distractions à sa douleur. Ses leçons ne furent interrompues que peu de temps ; et quoique déjà surchargé de travail, il consentit en 1570 à expliquer Cicéron, au collége Lemoine, devant quelques élèves choisis. Lambin, témoin de nos troubles civils, en avait souvent gémi en secret. Le massacre des protestants fit sur cette âme honnête une impression terrible ; la nouvelle de la mort de Ramus, son ami, quoiqu’il ne partageât point ses opinions religieuses, lui porta le dernier coup (voy. Ramus) ; il ne put y résister et succomba à sa douleur vers la fin de septembre 1572, un mois après la St-Barthélemy. Il laissa de son mariage avec une demoiselle de la maison des Ursins un fils qui devint précepteur d’Arnauld d’Andilly, et qui avait aussi beaucoup d’érudition. Lambin, d’un caractère doux et modeste, eut cependant des ennemis, mais il ne les méritait pas. On l’accusa de s’approprier les recherches de ses confrères sans leur en faire honneur ; et il paraît au contraire que ce fut lui qui eut lieu de se plaindre des plagiats de Muret et de son disciple Giphanius[2]. Il eut une dis-


  1. Ghilini ne peut pas assez s’étonner que, sous un ciel aussi chargé de brouillards, la nature ait pu produire un esprit si vif et si subtil. (Theatr. d'uomini litterati, t. 2, p. 68.)
  2. On trouvera dans le tome I du Menagiana (édit. de 1716, p. 27 et suiv.) des détails curieux sur la querelle de Lambin avec Muret, et l’un restera convaincu que le premier avait autant de candeur et de bonne foi, que le second de fausseté et de dissimulation. (Voy. l’article Muret.)