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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 28.djvu/215

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européen, et à laquelle il a fourni divers articles des premiers volumes. C’est tandis que ces publications, encore peu lucratives, se débattaient contre les difficultés inhérentes à tout début, que Napoléon balançait la fortune par sa campagne d’Allemagne, puis par celle de France, mais chaque jour faisait un pas vers sa ruine. Michaud suivit de cœur ces grands événements, hâtant de ses vœux le retour des Bourbons, avec lesquels il avait en longtemps des correspondances secrètes. Ce qu’il y a de certain, c’est que la restauration le compta parmi ses amis les plus ardents. Il réimprima ses Adieux à Bonaparte et ses Derniers adieux ; et s’associant avec Rippert, il ressuscita la Quotidienne, qui d’abord n’eut pas un grand succès, mais qui commençait à voir grossir le chiffre de ses abonnés lorsque le retour de l’île d’Elbe vint remettre en question le sort de la France, et surtout les destinées de la maison de Bourbon. Michaud avait vu son dévouement apprécié de l’auguste famille ; il avait été présenté à Louis XVIII et aux princes ; regardé comme ayant participé, ce qui n’était point vrai, à l’impression de la fameuse Déclaration de l’empereur Alexandre du 31 mars, impression fort périlleuse à ce moment, il avait été nommé d’emblée officier de la Légion d’honneur le 19 août 1814 ; puis il avait reçu d’assez bonnes gratifications pour rétablir la Quotidienne. Plus tard, il fit obtenir à Beaulieu, son collaborateur pour le petit volume des Adieux à Madame, une pension sur la cassette du roi, et à sa sollicitation, Chéron, son ami, avait reçu le privilège du Mercure de France avec vingt mille francs, pour relever cette aînée des Revues et Recueils hebdomadaires. La position de J. Michaud était donc fort bonne, lorsque Napoléon revint de l’île d’Elbe au mois de mars 1815. Le voyant approcher de Paris, il prit le chemin de l’Angleterre avec son ami Chéron ; mais ils n’allèrent que jusqu’à Boulogne, et revinrent presque aussitôt. Michaud annonça alors, par une lettre dans les journaux, qu’il s’était enrôlé comme garde du corps du roi, et que cependant il voulait rester responsable de la rédaction de la Quotidienne, qui avait pris un ton d’hostilité très énergique contre Napoléon. Mais la lutte ne fut pas longue. Dès que le triomphe de Napoléon parut certain, Michaud quitta de nouveau Paris et se rendit dans le département de l’Ain, où il se tint caché jusqu’au retour de Louis XVIII, tandis que la Quotidienne, métamorphosée en Feuille du jour, « méritait beaucoup mieux, dit Villenave, d’être intitulée Feuille de la veille, car elle n’était plus rédigée qu’avec des ciseaux et ne contenait que des rognures du Moniteur et d’autres journaux inoffensifs. » Michaud eut alors le désagrément de recevoir du Nain jaune quelques coups d’épingle dont il ne pouvait prendre sa revanche. Le burlesque journal avait imaginé de le créer, sous le nom de Micaldus, grand maître de l’ordre des Eteignoirs,

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mauvaise plaisanterie qui se perpétua longtemps après la seconde rentrée des Bourbons. Ce qui est remarquable et bien caractéristique, c’est que ces grossières attaques étaient dirigées contre Michaud par des hommes dont plus tard il fit ses amis et ses collaborateurs. On conçoit avec combien d’empressement il vit se terminer un épisode qui avait failli devenir long. Il en manifesta sa joie sur-le-champ par une petite brochure qu’il intitula l’Histoire des Quinze semaines, ou le Dernier règne de Bonaparte, 1815, in-8o. Cet opuscule eut un grand succès ; vingt-sept éditions s’enlevèrent en peu de mois. Du reste, il avait cessé à cette époque d’être l’associé de son frère ; dès 1813, il avait vendu sa part dans l’imprimerie, et plus tard, se sentant peu de goût pour le travail biographique, voulant d’ailleurs se livrer tout entier à l’histoire des croisades, il vendit aussi sa part d’une librairie dont la Biographie universelle formait la plus forte portion. En 1815, il fut nommé député du département de l’Ain. L’élection n’était peut-être pas tout à fait régulière ; Michaud n’avait jamais songé à se faire naturaliser Français ; on eût dit qu’un instinct secret lui montrait en perspective les États sardes comme l’asile de ses derniers jours. Il emprunta donc, pour suppléer à ce qui lui manquait de ce côté, les actes de son frère. Mais ce que la complaisance d’aucun ami ne pouvait lui donner, c’était une de ces voix qui dominent les assemblées délibérantes ou du moins une de ces voix qu’on écoute : c’était du talent oratoire ; autre chose est le talent d’écrire, autre chose est celui de parler en présence d’une assemblée. Michaud déposa (11 décembre 1815) une proposition tendant à voter des remercîments à tous ceux qui avaient « défendu le roi et la royauté lors de la fatale révolution du 20 mars et durant l’interrègne, » proposition qui fut renvoyée à une commission mais qui, sur le rapport de Bonaîd, fut repoussée par l’ordre du jour (9 janvier 1816) motivé « sur ce que, la grande majorité des Français s’étant montrée fidèle, la France ne pouvait mentionner tous ceux qui avaient fait leur devoir pendant l’interrègne. » Michaud parla aussi sur le projet d’organisation des collèges électoraux dont il demanda l’ajournement, et dans la discussion du projet de loi relatif aux traitements et au cumul. Il fut aussi membre de la commission chargée du rapport sur la proposition de supprimer en totalité les pensions des prêtres mariés ou apostats (9 janvier 1816). C’est à ces deux ou trois discours qu’il fit lire par ses amis, sa voix étant trop faible pour qu’on l’entendît, que se bornèrent ses travaux législatifs ; et après la clôture de la session, il ne fut point réélu. L’ordonnance du 5 septembre était intervenue d’une des sessions à l’autre, et l’on sait avec quelle vivacité la Quotidienne fit la guerre au système dont cette mesure fut le prélude, et quel rang prit dès lors cette feuille parmi