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zième chant de l’Enéide, 1810, et les Stances au roi de Rome, 1811 ; 5. la Petite dispute entre deux grands hommes (Louvet et Chénier), 1797 ; 6. Epître à madame Adèle de***, pour l’inviter à se livrer aux charmes de la mélancolie ; 7. Tableau d’une auberge. Ces cinq derniers morceaux ne sont que des poésies fugitives. Les deux pièces en l’honneur de la dynastie Napoléon ont été imprimées à part ; on peut aussi les lire dans le recueil intitulé l'Hymen et la Naissance. L’Epître et le Tableau se trouvent, avec l’Enlèvement de Proserpine, à la suite de la 5e édition du Printemps d’un proscrit, et y précèdent divers morceaux en prose dont les plus importants sont les trois Lettres à Delille sur le sentiment de la pitié et une Lettre à un philosophe sur les préjugés. De tous les genres poétiques, celui où Michaud est le plus à l’aise, c’est le genre descriptif. Son Printemps d’un proscrit est sans contredit un des ouvrages poétiques les plus remarquables de l’époque ; on y trouve des imitations très heureuses des anciens et surtout de Virgile. Cet ouvrage figurait honorablement dans les rapports sur les prix décennaux ; mais Garat l’en fit écarter, parce que composé, dit-il, en faveur des proscrits, il tendait à d’autres proscriptions. Cette opinion est d’autant moins juste que, dans tout son pëme, Michaud n’exprime que des sentiments d’humanité et de tendresse. On peut dire qu’il le composa dans le meilleur temps de son talent et de ses sentiments. Toutes les pensées en sont douces, affectueuses ; on regrette seulement de n’y pas trouver le nom de plusieurs de ses amis, surtout celui de Giguet, qui avait joué un rôle si honorable dans ses proscriptions. On lui a quelquefois reproché cette omission, à quoi il répondait froidement que le nom de Giguet n’était point poétique. Du reste, il serait tout à fait injuste de ne pas reconnaître que les vers du Printemps d’un proscrit ne sont guère au-dessous de ceux de Delille, et, à vrai dire, si on les trouvait mêlés dans un même ouvrage, on serait embarrassé de les distinguer, tant il en imite habilement et naturellement l’allure, la forme, les coupes, le ton, la couleur. A notre avis aucun des poètes, nombreux alors, qui marchaient aussi sur les pas de Delille, ne l’a ainsi reproduit à s’y méprendre. Nous savons même que plus d’une fois l’auteur des Jardins s’en montra jaloux. C’était une faiblesse de ce grand poëte, et souvent on le vit par ce motif accueillir les plus médiocres versificateurs, tandis qu’il repoussait tous ceux dont le talent pouvait être comparé au sien. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il n’accueillit jamais très bien J. Michaud, qu’il ne le vit guère que par suite des rapports indispensables de l’auteur et de la maison de librairie qui l’éditait, et que, dans toutes les historiettes ou J. Michaud aimait plus tard à se mettre en scène avec Delille, comme ayant été son familier, il substituait son nom à celui de son frère, qui avait connu Delille longtemps avant

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lui et qui n’avait point de prétention qui pût le blesser. Nous ajouterons à cette revue des œuvres poétiques de Michaud qu’il a fait un grand nombre de vers de société, ’fort bien tournés et très spirituels, qui eussent formé un très joli recueil, mais qui sont probablement à jamais perdus, parce que tous les efforts des personnes dont il s’était entouré dans les dernières années de sa vie tendaient à lui faire oublier ce qui avait concouru aux succès, au honneur de sa jeunesse, et que lui-même alors, se croyant appelé à de plus hautes destinées, n’aimait point qu’on lui en rappelât le souvenir. Ce fut lui qui composa, en sur la Mort d’une grande dame (la république) et sur l’expédition d’Egypte, des couplets satiriques qui furent répétés dans toute la France. Nous n’en citerons qu’un seul :

Que de lauriers tombés dans l’eau,
Et que de fortunes perdues !.
Que d’hommes courent au tombeau,
Pour porter Bonaparte aux nues !
Ce héros vaut son pesant d’or ;
En France, personne n’en doute :
Mais il vaudrait bien plus encor,
S’il valait tout ce qu’il nous coûte.

Histoire des croisades, Paris, 1811-22, 5 vol. in-8o ; plus 2 vol. de bibliographie sous le titre de Bibliothèque des croisades ; la 6e édition a paru en 1840 et après sa mort ; la bibliographie s’y compose de 4 volumes. Michaud en donnant cet ouvrage au public a rendu un vrai service, parce qu’il n’existait rien d’étendu ni de très soigné sur les croisades, et qu’il a en quelque sorte donné le signal d’une réaction. Toutefois il ne faudrait pas s’exagérer sa part dans une révolution qui se préparait visiblement, à la faveur du calme dont le règne de Napoléon fit jouir la France pendant douze ans et qui, dès 1815, se manifesta indépendamment de cet ouvrage avec la plus grande énergie. Ensuite, en abordant l’histoire, Michaud fut trop exclusivement préoccupé des idées poétiques, littéraires et politiques du temps. Ce livre est, au reste, son premier titre de gloire dans la postérité ; et l’on peut dire, sans exagération, que c’est un des ouvrages historiques les plus estimables qu’ait produits notre époque. Pendant plus de vingt ans, il y consacra tous ses moments ; souvent même il se fit aider très utilement dans les recherches les plus pénibles. MM. Reinaud, Pillet, d’autres encore le secondèrent de leur savoir et de leurs travaux dans plusieurs parties de ce grand édifice ; le 4e volume de la Bibliothèque des croisades a été rédigé par M. Reinaud. C’est ainsi qu’à chaque nouvelle édition Michaud défit presque entièrement son premier ouvrage. Du reste, visant toujours à l’effet, il soignait beaucoup plus son style que ses pensées. Il appartient à l’école de ceux qui semblent voir dans l’histoire une branche de la rhétorique. La critique, la profondeur des vues lui manquent parfois. Les ressorts qui meuvent l’homme, les masses et les gouvernements, les