Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 3.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
18
BAN — BAN

mission de Pringle. lei remarquons que cette société ne recevant du gouvernement anglais aucune subvention, et en conséquence se composant d’un grand nombre de membres dont les cotisations volontaires forment son budget des recettes, attache une importance excessive au choix des hommes auxquels elle confie son administration, et que la nature de l’influence que ceux-ci exercent, soit sur la société en général, soit même sur le sort des individus, exige en quelque sorte qu’ils soient bien avec le gouvernement. Ceci est vrai surtout du président. Il en résulte qu’un très-petit nombre de sociétaires réunissent toutes les conditions nécessaires à ce poste» qui d’ailleurs demande chez celui qui l’occupe l’alliance de la science, de la fermeté, de la richesse et d’une influence sociale réelle. De la, en dépit de l’usage de réélire tous les ans le président, l’usage non moins respecté de réélire toujours le même jusqu’à ce que la mort nécessite un autre choix. On pressent déjà par là toute la nouveauté du cas actuel : Pringle, qui donnait sa démission, ne pouvait être réélu. Mais les circonstances qui avaient amené cette résolution rendaient l’affaire plus piquante encore, et sous d’autres rapports faussaient singulièrement la position de ceux qui se présentaient pour obtenir la succession de Pringle. On sait que Franklin, en expérimentant sur l’électricité, avait découvert la propriété qu’ont les pointes d’attirer le fluide électrique, et qu’il avait fondé sur cette propriété la construction des paratonnerres. Un nommé Wilson, voulant qu’il fut aussi parlé de lui, se mit à prétendre que les sphères attirent bien plus énergiquement le fluide, et conseilla de terminer les paratonnerres par des boutons de cuivre. Or Franklin appartenait aux colonies américaines ; et les colonies étaient en guerre avec la métropole qui, comme on sait, ne put parvenir à les remettre sous le joug. La théorie de Franklin ne pouvait donc être bonne, puisque c’était celle d’un rebelle, et Wilson, sans administrer beaucoup de preuves en faveur de son assertion, compta très-vite un grand nombre de champions. Bientôt les boutons et les pointes devinrent une affaire de parti, et l’on regarda très-sérieusement les adversaires des boutons comme des ennemis de la métropole. Les hommes sensés eussent au moins dû se tenir à Péeatt et garder en riant une stricte neutralité. Malheureusement un des princes du sang royal crut cette précaution superflue ; et, s’imaginant sans doute que quelque tempérament diplomatique pouvait arranger l’affaire à son gré, il se rangea, en digne soutien de la vieille Angleterre, sous la bannière des boutons, et se rendit, aupres de quelques membres de la société royale, solliciteur contre les pointes. Pringle lui représenta respectueusement que la société ne pouvait faire d’amendements à ce qu’avait voulu la nature. Ces réflexions déplurent ; et Pringle, au bout de trois ans de tracasseries, acheta le repos par sa démission. Elu a sa place au mois de novembre 1778, Banks ml pendant longtemps a subir d’amères et injustes critiques. Aux yeux des uns il était trop jeune. À Qu’a-t-il écrit ? n disaient les autres. L’astronome Maskelyne et d’autres demandaient comment un naturaliste pourrait présider tant de mathématiciens, ce à quoi l’on eût pu répondre :

« Comment Newton, mathématicien, a-t-il pu présider laut de naturalistes ? » Au fond, la cause véritable de tout ce tumulte, c’était l’envie. Horseley, depuis évêque de St-David et de Rochester, mathématicien et théologien fougueux, aspirait au fauteuil : intrigues, pamphlets, calomnies de salon, discours à la société, prédictions sinistres, il n’omit rien de ce qui pouvait servir sa haine, et il fut au moment d’écarter Banks de la présidence, quand enfin ses amis s’aperçurent qu’il la convoitait pour lui-même. Ce remède parut pire que le mal ; et, quelques séances après, la société, réunie en une assemblée solennelle, déclara qu’elle était satisfaite de son choix (2 janvier 478-t). Horseley et quelques-uns de ses plus fougueux adhérents se retirèrent, et la compagnie, rendue à la paix, réélut pendant trente-huit années consécutives le président qu’elle s’était donné. Newton lui-même n’avait occupé le fauteuil que vingt-quatre ans. C’est surtout il partir de cette époque que les savants anglais se sont élevés au premier rang par des entreprises lointaines, qui ont étendu le domaine de la géographie, par une foule d’importantes découvertes en physique, en chimie, en géologie, en histoire naturelle ; et, sans exagérer ici l’influence d’un homme, sans faire honneur à un seul de ce qui a eu surtout pour cause et l’énergie propre aux habitants de la Grande-Bretagne, et la marche ascendante du siècle, toujours est-il que Banks contribua par ses avis et sa direction aux progrés de la science ; que les plans soumis par lui au gouvernement, et toujours approuvés, activèrent les découvertes en lançant toujours les hommes qui se dévouaient pour la science dans les pays qu’il était le plus utile d’explorer ; que le recueil des mémoires de la compagnie, tout en s’accroissant, parut avec plus de régularité et dans un format plus digne de l’importance de ses travaux ; enfin que sa faveur personnelle auprès du roi fut profitable a la société même, qui, aujourd’hui, grâce à Banks, occupe dans un des palais royaux un granit et bel appartement. Rien de ce qui intéressait les sciences ou les hommes de la science ne lui était indifférent. De même que Louis XVI, au commencement de la guerre anglo-américaine, avait ordonné à tous ses vaisseaux de respecter Cook et ses compagnons, de même, lors du départ de la Pérouse, George III, sur les instances du chancelier Banks, ordonna que sa marine eût les mêmes égards pour le navigateur français ; et c’est surtout par ses réclamations réitérées, infatigables, que ce respect pour les savants est devenu un article de la loi des nations. Dans la suite, quand des inquiétudes trop fondées présagèrent la perte de l’infortuné navigateur, il le fit a ses dépens chercher par toutes les mers. Les collections de la Billardiére étaient tombées au pouvoir du gouvernement anglais : Banks eut le crédit de se les faire remettre, et il les renvoya en France sans avoir ouvert une seule des caisses qui les composaient. Il lit de même parvenir