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Briotte[1], à cause d’une terre que possédait sa mère : il prit le nom d’Andilly quand son frère aîné eut embrassé l’état ecclésiastique. Il ne porta plus que celui de Pomponne depuis son mariage. L’éducation des deux frères fut d’abord dirigée par l’abbé de Barcos, neveu de l’abbé de St-Cyran (voy. Barcos). Ils terminèrent leurs humanités au collége de Lisieux. On trouve dans les Mémoires de l’abbé Arnauld quelques détails sur leurs premières années. Pomponne, nommé intendant de Casal en 1642, obtint deux ans après l’entrée dans le conseil du roi ; il fut ensuite chargé des négociations du Piémont et du Montferrat et successivement de l’intendance des armées de Naples et de Catalogne. Ayant demandé en 1659 l’agrément du roi pour la charge de chancelier du duc d’Anjou, depuis duc d’Orléans, les opinions professées par sa famille sur certaines matières religieuses lui furent opposées comme un obstacle insurmontable. Si M. de Pomponne fut servi avec peu d’empressement dans cette occasion par Mazarin, ses qualités personnelles ne lui avaient pas moins (procuré des amis honorables et utiles. Admis dès sa première jeunesse à l’hôtel de Rambouillet, où le bel esprit régnait sous le sceptre de Voiture ; à l’hôtel de Nevers, chez la princesse Palatine, où se réunissaient mesdames de Sévigné, de Lafayette, de Coulanges et de Sablé, le duc de la Rochefoucauld, Boileau, Racine, l’abbé Esprit et tant d’autres ; à Fresnes, où madame du Plessis Guénégaud, déguisée sous le nom d’Amalthée, faisait revivre aux bords de la Beuvronne les enchantements de la féérie[2] ; à Vaux, où les arts dans leur zèle indiscret et les muses se disputaient à qui célébrerait avec le plus d’éclat leur imprudent protecteur (voy. Fouquet) ; Pomponne avait trouvé dans ce commerce le secret d’adoucir le rigorisme et la sévérité qui semblaient s’attacher au nom d’Arnauld. Uni à Fouquet par les liens de la reconnaissance et de l’amitié, il partagea sa disgrâce et fut relégué à Verdun au mois de mars 1662. Nous devons à cet exil le récit donné par madame de Sévigné du procès de Fouquet dans les lettres qu’elle adresse à Pomponne, où elle montre un talent de précision et d’analyse que, sans cette circonstance, elle n’aurait peut-être pas eu l’occasion de développer. Pomponne obtint au mois de septembre 1664 la faculté de rentrer dans son château, et il ne lui fut permis de revenir à Paris que le 2 février suivant. Il en fut particulièrement redevable aux bons offices de Bartillat, trésorier de la reine mère. Le retour de Pomponne à Paris ne mettait point le dernier terme à sa disgrâce : il fallait encore qu’il fût de nouveau présenté. Il accompagna le maréchal de Gramont au Louvre. Ce seigneur, habile courtisan, arriva le premier, afin de prévenir le roi, qui consentit après quelques difficultés à recevoir l’exilé. De Pomponne fut envoyé en Suède comme ambassadeur extraordinaire au mois de décembre 1665. Il fit son entrée à Stockholm le 24 février 1666 ; les négociations se prolongèrent jusqu’en 1668 : elles ne purent empêcher l’accession de la Suède au traité de la triple alliance conclu entre cette puissance, l’Angleterre et la Hollande dans la vue de résister à Louis XIV, qui déjà commençait à donner des craintes au reste de l’Europe. L’année suivante (1669) Pomponne fut nommé ambassadeur à la Haye, et il en fut rappelé en 1671 pour retourner en Suède, où il réussit à détacher cette couronne de la cause des Hollandais. Madame, duchesse d’Orléans, était parvenue l’année précédente (1670) à obtenir du roi Charles II, son frère, qu’il leur retirât l’appui de l’Angleterre ; de sorte que rien ne s’opposa plus à ce que Louis XIV se vengeât des outrages de la république des Provinces-Unies. Pomponne rédigea lui-même les instructions qui lui furent remises, et le roi les ayant honorées d’une approbation particulière, Lionne ne lui laissa point ignorer cette circonstance, qui, dans la suite, ne fut pas étrangère à la fortune de l’ambassadeur[3]. Lionne mourut le 1" septembre 1671 (voy. Lionne), et le roi, sans être prévenu par aucune sollicitation, jeta les yeux sur Pomponne pour le remplacer. Ce choix eut l’approbation universelle. Arnauld d’Andilly sortit de sa retraite et vint à Versailles remercier le roi de la faveur qu’il daignait accorder à son fils (voy. Arnaud d’Andilly). Louis XIV lui adressa ces paroles remarquables : « Quand vous n’auriez autre contentement et autre satisfaction dans le monde que d’avoir un tel fils, vous devriez vous estimer très-heureux, et comme il faut commencer par bien servir Dieu pour bien servir son roi, je ne doute point qu’il ne satisfasse à tous ses devoirs[4]. » La réponse de Pomponne au roi n’a pas été conservée ; mais, dans une lettre qu’il adresse à son père, il exprime le profond sentiment qu’il éprouvait. « Jamais, dit-il, un cœur n’a été si fortement touché que le mien, mais bien moins de la charge que de la manière et de la bonté avec laquelle il a plu au roi de me faire cette grâce… Le poids de la charge me fait peur, je vous l’avoue, non pas du côté des hommes,

  1. On lit au nombre des pièces de vers dont se compose la Guirlande de Julie d’Angennes, trois madrigaux sur le muguet, sur la fleur de grenade et sur le perce-neige, signée de M. de Briotte, premier nom de M. de Pomponne. Les madrigaux sur la fleur du thym et sur le souci, sont signés de M. d’Andilly, le fils aîné, ou l’abbé de Chaumes. Arnauld d’Andilly, le père, y apporta aussi pour tribut le madrigal sur les lis.
  2. Voy. la lettre de M. du Plessis-Guénégaud, adressée à Pomponne le 12 mars 1666, et la réponse de Pomponne du 17 avril suivant, publiées a la suite des Mémoires de Coulanges, p. 396 et 398 ; la lettre de madame de Sévigné à Pomponne, du 1er août 1667, t. Ier, p. 116, édition de 1818 ; et le Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, Cologne, P. Marteau, 1661, 2e part., p. 79 et 80.
  3. Mémoires de l’abbé Arnauld, 3e part., p. 117.
  4. L’auteur de cet article a publié, a la suite des Mémoires de Coulanges, p. 436, d’après le manuscrit autographe d’Arnauld d’Andilly, la relation que ce dernier écrivit à l’occasion de cet entretien.