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où elle mourut le 14 février 1830, vingt mois après son époux. Madame de Staël a dit de cette princesse :

« La duchesse Louise de Saxe-Wei-
« mar est le véritable modèle d’une femme des-
« tinée par la nature au rang le plus illustre ;
« sans prétention comme sans faiblesse, elle
« inspire au même degré la confiance et le res-
« pect, et l’héroïsme des temps chevaleresques
« est entré dans son âme sans lui rien ôter de la
« douceur de son sexe (1)[1]»

On révéla après sa mort beaucoup d’actes de bienfaisance qu’elle avait tenus secrets ; elle payait de petites pensions à un grand nombre de personnes malheureuses ; elle donnait des secours aux jeunes gens pauvres pour faire leurs études à Iéna ; elle poussait l’attention jusqu’à envoyer des billets de spectacle à des familles qui n’avaient pas le moyen de se procurer ce plaisir de l’esprit (2)[2]. Loin d’être éblouie par le rang où elle était placée, elle continua toujours de vivre modestement ; ses vêtements étaient d’une extrême simplicité, et elle préférait la vie retirée aux grandes réunions. Elle était vénérée, chérie par tous les habitants du grand-duché. La ville de Weimar profita de la fête du jubilé du couple auguste pour faire frapper en l’honneur de Louise une médaille avec son portrait à demi voilé, et ces mots en allemand : « Souvenir du 14 octobre 1806, « par Weimar sauvé », enfermés dans une couronne de feuilles de chêne qu’entoure un cercle lumineux d’étoiles (3)[3].

D―G.


SAXIUS. Voyez ADOLPHE (Jean), duc de Saxe, et FRÉDÉRIC-AUGUSTE, roi de Saxe.


SAXIUS. Voyez SAX.


SAXO GRAMMATICUS, historien danois, naquit dans l’île de Sélande, entre 1150 et 1158. Sa vie est peu connue. Son père et son grand-père, de naissance noble, faisaient partie de l’entourage guerrier du roi Waldemart. On ne sait si le surnom de Longus, qui lui a été donné, vient de sa famille ou de sa taille ; quant à celui de Grammaticus, c’est par son érudition qu’il l’a mérité. Il semble avoir reçu son instruction à l’université de Paris, vers les années 1172 et 1175. Il était secrétaire d’Axel ou Absalon, archevêque de Lund, à qui l’histoire du Danemarek a de si grandes obligations (voy. ABSALON). Ce fut ce prélat qui exhorta Saxo et Suénon Aggesen à écrire l’histoire, et il établit à Soroë un couvent de bénédictins chargés principalement de la rédaction des annales de l’histoire contemporaine. On ne sait si le Saxo, prévôt de Roeskilde, qu’Absalon envoya à Paris et qui à son tour amena en Danemarck l’abbé Guillaume, ainsi qu’il est dit dans la vie d’Absalon, est le même que Saxo le Grammairien. Celui-ci mourut entre 1208 et 1220,

SAX


et fut enseveli dans le cathédrale de Rœskilde, ce qui semblerait indiquer qu’il en était prélat. Saxo est célèbre par son histoire latine du Danemarck, ouvrage qui ne ressemble à aucune autre histoire du moyen Age. L’auteur ne s’est point borné à rédiger une chronique sèche et aride, ni à copier les légendes des monastères : il ne cite que trois ou quatre auteurs, et l’on dirait qu’il n’en a pas lu d’autres. Tout le reste de ses matériaux a été emprunté à la tradition populaire, aux chants des scaldes danois et en petite partie aux sagas islandaises. Non content d’établir son livre sur les poésies qui circulaient partout, il les a souvent traduites et insérées dans son recueil, qui, pour compléter la singularité, est écrit dans un style vif, animé, fleuri et rempli d’images. Il est résulté de ce travail un ouvrage curieux, où une fable romanesque succède à l’autre, où les aventures héroïques abondent, où sont consignées une foule de poésies nationales, dont les originaux sont maintenant perdus, mais où l’investigateur de l’histoire a de la peine à se retrouver. En effet, il n’y a point de dates chronologiques dans l’ouvrage de Saxo, et il ne lie son histoire du Danemarck à celle d’aucun autre pays. Jamais historien ne s’est moins mis en peine de la chronologie. Ceux qui ne veulent que la peinture de mœurs et de l’esprit du temps doivent étre satisfaits de Saxo ; on apprend plus de lui sous ce rapport que de la plupart des chroniques : mais il fournit peu de lumières à l’histoire. Pierre-Erasme Müller a publié un mémoire pour prouver le contraire. Dahlmann, de son côté, a établi en principe que Saxo n’a presque pas mis un seul roi de Danemarck à la place qui lui convient dans l’ordre chronologique ; qu’il s’est contenté de recueillir des contes ou des traditions intéressantes, et qu’il a pour ainsi dire repoussé les documents authentiques. Il est de fait que Saxo rapporte plusieurs événements qui se trouvent consignés aussi dans les sagas islandaises : Saxo les présente quelquefois avec d’autres circonstances, probablement parce qu’il suivait des narrateurs danois qui différent des islandais ; mais toujours est-il vrai que la concordance du fond témoigne en faveur de Saxo. Au reste, le défaut de chronologie fait qu’on ne peut se fier à lui que lorsqu’il s’accorde avec des monuments certains (voy. DAN). A l’égard de la forme et du style, il a été admiré par de bons latinistes :

« J’aime, dit Erasme, cet esprit vif et ardent, ce
« récit qui jamais ne se relâche ni ne languit,
« cette richesse d’expressions, ces sentences fré-
« quentes, cette admirable variété de figures, et
« je ne cesse de m’étonner qu’à cette époque un
« Danois ait possédé un génie aussi éloquent. »

Un chanoine de Lund, Christen Pendersenou Pétri, s’étant procuré une copie de l’histoire du Danemarck, la fit imprimer pour la première fois à Paris, en 1514, chez Josse Badius, aux frais d’un prince danois, sous ce titre : Danorum

  1. (1) De l’Allemagne, part. 1re, chap. 15.
  2. (2) Voy. La notice de Boettiger dans l’Allgemeine Zeitung d’Augsbourg, 1880, n° 90-92.
  3. (3) Cette médaille avait été gravée sous la direction de Goethe, par Doré, à Genêve.