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serait une traduction curieuse que celle qui rendrait un poëme sur la chasse aux chiens et à la bête, par un poème italien sur la chasse aux oiseaux et à la glu. 2° Della Possessione di Campagna, del Padre Jacopo Vaniero, etc., Venise, 1718, in-8o. Malheureusement cette traduction du Prædium rusticum du P. Vanière est faite d’après l’édition de Toulouse, 1706, le traducteur n’ayant pas connu celle de 1750, où le poème, qui n’était d’abord qu’en 10 chants, est en 16. 3° Plusieurs autres poèmes traduits dans le même genre, et, entre autres, l’Anti-Lucréce du cardinal de Polignac, Vérone, 1752, in-8o, traduction qui parut en concurrence avec celle du P. Ricci. 4° Différents ouvrages sur la langue toscane, dont le plus considérable lui avait coûté vingt ans de travail : ce n’était rien moins qu’un nouveau Dictionnaire, dans lequel l’auteur ajoutait, aux mots et aux locutions contenus dans celui de la Crusca, un grand nombre d’autres, appuyé de l’autorité des meilleurs écrivains, et des citations de ces auteurs. Le 1er volume parut sous ce titre : della volgare Elocuzione, illustrata, ampliata et facilitata, volume 1 contenente A. B., Venise, 1740, in-fol. Le libraire qui avait commencé à grands frais cette entreprise ne put la soutenir, et la publication se borna à ce seul volume. L’auteur refondit par la suite tout l’ouvrage et le réduisit de douze volumes à six : il annonça cette réduction par une espèce de prospectus intitulé : Idea d’opera del tutto eseguita divisa in sei tomi cha ha per titolo Dixionario italiano, etc., Venise, 1753, 18 p. in-4o ; mais ce prospectus ne tenta ni libraire ni souscripteurs, et l’ouvrage est resté inédit, ainsi que beaucoup d’autres du même auteur. G-É.


BERGASSE (Nicolas), naquit à Lyon, en 1750, d’une famille originaire d’Espagne, et qui depuis longtemps était venue se fixer dans le midi de la France, et d’abord à Tarascon. Il était le troisième de cinq frères dont l’aîné, établi à Marseille, faisait le commerce de la commission, et dont deux autres se trouvaient à Lyon, à la tête des messageries[1]. Nicolas Bergasse suivit la carrière du barreau. C’était un usage établi à Lyon, qu’un avocat nouvellement reçu fut désigné, par l’autorité municipale, pour prononcer une harangue le jour de St-Thomas, en présence de tous les fonctionnaires et du public ; et ce jour-là l’orateur jouissait de toutes les prérogatives du prévôt des marchands. Bergasse n’avait que vingt-deux ans lorsque, invité par les magistrats, il prononça un discours sur l’honneur, en 1772. Un autre discours lui fut demandé, en 1774, dans la même circonstance, et il choisit pour sujet l’humanité des juges dans l’administration de la justice criminelle. Bergasse croit que l’humanité seule peut écarter du juge trois vices funestes, la prévention, l’acception des personnes, et l’esprit de dureté engendré par l’habitude de juger. Ce discours ne fut imprimé qu’en 1787, à Paris, et comme pour faire tomber le bruit qui attribuait au président Dupaty le premier mémoire de Bergasse, dans le procès Kornmann. En 1774, il fit imprimer, dans la Gazette de France, des Réflexions sur les préjugés, et il prononça, à l’hôtel de ville de Lyon, un discours sur cette question : Quelles sont les causes générales des progrès de l’industrie et du commerce, et quelle a été leur influence sur l’esprit et les mœurs des nations ? Ainsi, des son début dans les lettres, Bergasse s’annonça comme moraliste, orateur et publiciste ; et dès lors il se montra ce qu’il fut toujours, homme de conscience, homme de vertu et de principes austères. Son imagination vive et portée à l’enthousiasme put seule lui faire accorder trop de latitude et trop d’empire à une science nouvelle qui commençait à se répandre en France. En 1784, il publia ses Considérations sur le magnétisme animal, ou sur la théorie du monde et des êtres organisés, d’après les principes de M. Mesmer, in–8° de 149 pages. On lui reprocha d’attaquer, dans cet ouvrage, d’ailleurs écrit avec un talent remarquable, toutes les doctrines des médecins, toutes les théories des physiciens, sur le système des mondes, tous les principes des moralistes et des législateurs sur le système social, et tous les principes qui dirigent les arts dans leur création. Il y avait sans doute beaucoup d’exagération dans ce reproche, et Bergasse était loin de vouloir renverser les principes des moralistes et des législateurs : il est au moins certain qu’il ne voyait pas ce renversement dans le baquet de Mesmer. Il faut dire cependant qu’il traite Bailly et Franklin d’hommes a préjugés, devant qui « l’homme de génie, qui veut se faire comprendre, « a plus d’obstacles à surmonter que lorsqu’il s’adresse aux hommes ordinaires ; » et il reproche aux savants de s’être élevés contre Christophe Colomb, Copernic, Harvey, Galilée, Ramus, Képler, Descartes, et « d’avoir préparé, dans des temps plus reculés, le poison donné à Socrate. » Mais quels étaient, pour la plupart, ces savants ! Faut-il donner ce nom à Anitus, aux moines d’Espagne, aux inquisiteurs italiens ! Déjà Bergasse montre, dans cet ouvrage, un esprit d’exaltation peu propre à l’examen et à la discussion ; et lui-même il dit (Avant-propos) : « Dans la société même qui me convient le plus, tout ce qui a l’air d’une discussion me rappelle bien vite au silence. » Cependant toute science, comme toute cause judiciaire, a besoin d’examen, de raisonnement, de discussion ; et Bergasse, orateur éloquent et passionné, mais homme de conviction, saura plus facilement entraîner que convaincre. Dès l’abord, avant d’être monté sur un grand théâtre, et encore inconnu, il se montre avec candeur plein de sa propre estime, et il ose dire : « Vous savez si quelqu’un, quand je voudrai parler, peut faire taire, avec plus d’empire et de fierté que moi, la calomnie. » On a dit qu’il croyait alors au somnambulisme magnétique, et qu’il n’eut, pendant plusieurs années, après 1784, d’autre médecin qu’une servante, douée « de cette seconde vue, de cette intuition merveilleuse qui devine à la fois la maladie et le remède. » Bergasse était venu s’établir à Paris. Trois procès célèbres et une

  1. L’un d’eux, Dominique, périt sur l’échafaud, à Lyon, dans l’affreuse anarchie de 1795 ; il fut condamné, le 19 frimaire an 2, par la commission révolutionnaire, comme ennemi des droits de flemme, de l’égalité, de l’indivisibilité, des bonnets rouges, etc.