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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 44.djvu/632

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accomplis, la mort de Louis XVI, la destruction de la royauté, la guerre de la France avec les contrées voisines. Les Hollandais voulurent séquestrer les frégates, et le chef de l’expédition, d’Auribeau, très opposé à la révolution, ne leur résista pas. Les marins qui restèrent fidèles à la cause républicaine furent en butte à bien des mauvais traitements ; Willaumez était du nombre, mais il finit par être relaché et il arriva à l’Ile de France. Cette colonie était alors bloquée par une division anglaise ; on craignait la famine ; il y avait à Port-Louis deux frégates, la Prudente et la Cybèle : on se décide au parti le plus courageux, elles sortent et vont livrer combat à deux vaisseaux anglais, Centurion et Diomède. Willaumez commandait en second la Prudente ; l’affaire fut des plus vives et elle fit le plus grand honneur aux Français, qui, malgré l’énorme infériorité des forces, infligèrent aux vaisseaux anglais des dommages tels qu’ils les contraignirent à aller chercher au loin quelque port où ils pussent réparer leurs avaries. L’Ile de France se trouva ainsi délivrée. Après ce brillant succès, le jeune officier reçut le commandement du brick le Léger et revint en France, rapportant quelques débris de l’expédition de d’Entrecasteaux. Il fut assez habile et assez heureux pour échapper aux croisières anglaises ; et bientôt il revint dans les mers qu’il avait quittées ; il était capitaine de la Régénérée, frégate qui faisait partie de l’escadre commandée par le contre-amiral Sercey et dont la mission spéciale était de faire au commerce britannique tout le mal possible. Willaumez s’acquitta fort bien de ce dont il était chargé ; ses prises furent nombreuses ; il se distingua dans le beau combat que les six frégates soutinrent dans le détroit de Malacca contre deux vaisseaux anglais qui se virent contraints de plier devant de faibles adversaires qu’ils s’étaient d’abord flattés de l’idée d’écraser facilement. Aprés avoir désolé le commerce britannique dans les mers de l’Indo-Chine et avoir répandu partout la terreur tout en échappant aux nombreux croiseurs lancés à sa poursuite, la Régénérée, ayant besoin de grandes réparations, fut renvoyée en France et, prés des Canaries, elle rencontra une frégate anglaise qu’elle poursuivit et qu’elle aurait capturée sans doute, sans la perte d’un de ses mâts qui fut brisé par le vent. Arrivée en France, Willaumez fut apprécié comme il devait l’être par le premier consul : il fut désigné comme appelé au commandement d’une escadre de frégates en armement à St-Malo et sur laquelle on comptait beaucoup pour frapper de la façon la plus rude sur le commerce anglais. Ce projet se trouva abandonné par suite de la paix d’Amiens, mais une expédition pour reconquérir l’île de St-Domingue, alors au pouvoir des noirs, ayant été décidée, Willaumez y prit part, comme capitaine du vaisseau le Duguay-Trouin. Il donna dans cette campagne pénible, ou l’épidémie fit mourir tant de

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braves soldats, des preuves de sa fermeté et de sa sagesse habituelles; mis à la tête d’une station importante, il sut maintenir longtemps les noirs dans le respect, et il s’honora en refusant d’exécuter l’ordre de faire mettre à mort les captifs; un système barbare d’extermination et de représailles s’était introduit dans cette guerre funeste, Willaumez ne voulut pas jouer un rôle de bourreau. Il était passé sur la frégate la Poursuivante lorsqu’à la reprise des hostilités avec l’Angleterre, il fut attaqué par une escadre ennemie au moment où après une croisière il allait rentrer dans la rade du môle de St-Nicolas. Le vaisseau l’Hercule arriva à portée de la frégate dont le sort paraissait désespéré, car elle n’avait qu’un très faible équipage et son adversaire possédait une artillerie quadruple. Bien résolu cependant à ne point se rendre, Willaumez serra la côte de très près, mit habilement à profit une saute de vent, réussit à lancer au vaisseau anglais une bordée d’enfilade qui produisit de graves dommages et entra en rade au milieu des acclamations de la garnison accourue sur les remparts, tandis que l’Hercule s’éloignait humilié et maltraité. Willaumez revint en France sur cette même frégate, et il rencontra en route un vaisseau anglais dont il réussit à déjouer la poursuite grâce à d’habiles manoeuvres. L’empereur s’empressa de le nommer contre-amiral, et il l’envoya à Brest prendre le commandement de l’escadre légère qui formait l’avant-garde de la flotte réunie dans ce port sous les ordres de Ganteaume; cette armée navale faisant touours mine de sortir et attendant une occasion favorable qui ne se présenta point, retenait devant elle de nombreux vaisseaux anglais obligés de faire sur les côtes dangereuses de la Bretagne un très périlleux service. Dans une des feintes sorties qui se multiplièrent, Willaumez mena un jour son vaisseau l’Alexandre si près de la flotte anglaise qu’il fut en butte au feu de plusieurs vaisseaux à la fois, notamment à celui du trois-ponts l’Hibernia portant le pavillon de l’amiral Cornwallis. À la suite des revers éprouvés sur d’autres points par les flottes françaises, Napoléon, renonçant à ses projets de débarquement en Angleterre et attaqué en Allemagne par une coalition nouvelle, donna à la flotte de Brest une autre organisation; Il ne fut plus question de forcer le passage et de se porter dans la Manche; les vaisseaux les mieux installés durent former deux divisions destinées à prendre la mer et à agir au loin. Willaumez mit à la voile le 14 décembre 1803; il montait le Foudroyant de 80 canons et il avait avec lui cinq vaisseaux de 74, et deux frégates, le tout approvisionné pour six mois. Ses instructions lui enjoignaient de se rendre au Cap de Bonne-Espérance, de s’y ravitailler et de se diriger ensuite vers les parages ou il pourrait faire le plus de mal à l’ennemi, en s’emparant de ses convois, en attaquant ses possessions coloniales. Une grande