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d’intérêt. Mais, soit que ces démonstrations eussent donné de l’ombrage, soit que le climat lui fût réellement contraire, on le vit bientôt revenir en Allemagne et se fixer à Magdebourg, avec le consentement du gouvernement prussien, qui lui avait refusé un asile dans ses provinces rhénanes. C’est à Magdebourg que Carnot a passé les dernières années de sa vie dans l’étude et les chagrins de l’exi1, et c’est là qu’il est mort le 2 août 1825. Peu d’hommes ont été autant loués, autant décriés. Son savoir, sa probité et son désintéressement furent incontestables. Si l’on ne peut approuver toutes ses opinions et toute sa conduite politique, on doit au moins dire qu’il ne lit jamais rien que par enthousiasme et par conviction. Nous l’avons, sans doute, représenté avec assez de vérité sous ce double rapport. Si c’est un moyen de déplaire également à ses partisans et à ses détracteurs, nous sommes au moins bien assurés qu’il n’en sera pas de même à l’égard de la postérité. Dumouriez a dit que ce fut un philosophe austère, un parfait citoyen et un grand homme ; et il ajoute à ce portrait un peu flatté une opinion plus remarquable de sa part, c’est que Carnot fut le créateur du nouvel art militaire en France, lequel lui (Dumouriez) n’avait eu que le temps d’esquisser, et que Bonaparte a perfectionné… Sous ce rapport, Napoléon ne lui a pas rendu la même justice. « Carnot, dit-il (Mémoires de Montholon, t. 3, p. 121). n’avait aucune expérience de la guerre ; ses idées étaient fausses sur toutes les parties de l’art militaire, même sur la défense et l’attaque des places et sur les principes des fortifications, qu’il avait étudiés toute sa vie. Il a imprimé sur ces matières des ouvrages qui ne peuvent être avoués que par un homme qui n’a aucune pratique de la guerre. » On voit percer ici le caractère envieux de Napoléon, qui n’a voulu reconnaître de vrai mérite dans aucun de ses rivaux ; mais peut-être aussi que, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, ses opinions et ses jugements ont été tronqués ou dénaturés par les compilateurs de Ste-Hélène. Les écrits scientifiques de Carnot sont : 1° Essai sur les machines en général, Dijon, 1786 ; Paris, 1801, in-8°, 2° Œuvres mathématiques, 1790-1797, in-8°. 5° Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1797, in-8° ; 2° édition, 1815 ; trad. en allemand par Hautt, Francfort, 1800, in-8° ; en anglais par Dickson, Londres, 1801. 4° Lettre au citoyen Bossut, contenant quelques vues nouvelles sur la trigonométrie, 1800, in-8°. 5° De la Corrélation des figures de géométrie, Paris, 1801, in-8° ; traduit en allemand par Schellig, Dresde,1801, in-8°. 6° Principes fondamentaux de l’équilibre et du mouvement, Paris, 1808, fig., traduit en allemand par Weiss, Leipsick, 1804, in-8°. 7° Géométrie de position, à l’usage de cetta : qui se destinent mesurer des terrains, Paris, 1805, in-1°, fig. ; traduit en allemand par F.-K. de Heiligenstein, Manheim, 1801, 2 vol. in-8°, avec la Métaphysique du calcul infinitésimal. C’est le chef-d’œuvre de l’auteur, qui, tout en donnant un grand nombre de théorèmes entièrement nouveaux, y réduit toute la trigonométrie rectiligne à une seule figure. 8° Mémoire sur la relation qui existe entre les distances respectives de cinq points quelconques pris dans l’espace, suivi dun essai sur la théorie des transversales, Paris, 1806 ; ibid., 1815. in—4°, figures. 9° De la Défense des places fortes (compose par ordre de l’empereur pour l’instruction des élèves du corps du génie) ; 5° édit., 1812, in-4° ; traduit en anglais par Montalembert, Londres, 1814, in-8°. Quelques militaires ont attaqué très-vivement cet ouvrage, sur le mérite duquel les opinions des juges compétents sont très divisés. 10° Mémoire sur la fortification primitive, pour servir de suite an traité de la défense des places fortes, Paris, 1825, in-4°, avec pl. (posthume). Parmi les ouvrages politiques et discours imprimés de Carnot[1], nous indiquerons seulement : 11° la fameuse Réponse de L.-H.-M. Carnot au rapport fait sur la conjuration du 18 fructidor au conseil des cinq-cents par J.-Chr. Bailleul, etc., in-12 de 228 p., sans date (plusieurs éditions tant allemandes que françaises ; trad. en allemand, Hambourg, 1798, in-8° ; trad. en anglais, Londres, 1799, in-8°). 12° Second Mémoire de Carnot, Hambourg, 1798, in-12 de 43 p. 15° Discours contre l’hérédité de la souveraineté en France (prononce au tribunat, le I floréal an 12), 1811, in-8°. 11°. Mémoire adressé au roi, en juillet 1814, par M. Carnot, lieutenant général, etc., Paris, 1814, in-8°, réimprimé au moins sept fois en 1815, et reproduit aussi dans le Dynæ[2]. 15° Exposé de la conduite politique de M. le lieutenant général Carnot depuis le 1er juillet 1811, Paris, 1815, in-8°, 2° édit. 18° Correspondance inédite de Carnot avec Napoléon pendant les cent jours, Paris, 1819, in-8°. La publication n’est point du fait de Carnot, pas plus que celle de la Correspondance inédite de Napoléon Bonaparte avec le comte Carnot, qui avait précédé. Quelques œuvres littéraires termineront cette nomenclature ; ce sont : 17° Éloge de M. le maréchal de Vauban, Dijon, 1781. in-8°, auquel il faut joindre Observations sur la lettre de M. Chauderlos de Laclos contre l’Éloge de M. le maréchal de Vauban, 1788, in-8°. 18° Opuscules poétiques de M. le général L.-H.-M. Carnot, Paris, 1820, in-8°. 19° Recueil de lettres de deux amants, Paris, an 9, 9 vol. in-›18 (anonyme et douteux) ; les six premiers volumes ont été réimprimés nous le titre de Lettres secrètes et amoureuses de deux personnages célèbres de nos jours, Paris, 1819, 2 vol. in-18 ; 20° Don Quichotte, poëme héroï-comique en 8 chants,Leipsieck, 1820, in-18[3]. La vie de Carnot

  1. Ces écrits sont en assez grand nombre ; son discours au tribunat contre l’élévation de Bonaparte à l’empire, prononcé le 1er mai 1804, eut plusieurs éditions, et fut crié sans obstacle dans les rues de Paris pendant quatre jours
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  2. Il parut plusieurs réfutations de ce mémoire, dont une par A. Guesnet, de 52 p. in-8°. Une autre a pour titre : le jacobinisme refuté, in-8° de 85 p., écrit anonyme attribué à M. F.-M. Guillot, se disant instituteur.
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  3. Parmi les premiers travaux législatifs de Carnot, nous citerons sa Déclaration des droits du citoyen (1793, in-8° de 12 p.) ; elle est en 22 articles, et a pour base cette maxime : « Chacun doit aider ses semblables autant qu’il le peut sans nuire à ses propres avantages ; et nul ne peut blesser les intérêts d’autrui sans nécessité pour lui-même. » On voit que ce n’est pas tout-à-fait la maxime regardée comme principe de toute morale : Ne fais pas aux autres et que tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même. Carnot regarde cette maxime comme fausse, ou au moins très-obscure.
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