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on pourrait conjecturer qu’il mourut peu de temps après cette publication. Cependant Grappin, dans son Histoire abrégée du comté de Bourgogne, place la mort de Chassignet a l’année 1635. On est certain du moins qu’il n’est pas mort avant 1610 ou 1620, puisqu’il a traduit du latin en français l’Histoire de Besançon de J.-J. Chifflet, et que son manuscrit, qu’on a conservé, porte la date de 1610.

— Un bénédictin du même nom a composé dans le 17e siècle une Histoire de tous les monastères du comté de Bourgogne, dont il est parlé avec éloge dans le Voyage littéraire de D. Martène ; cet ouvrage est resté manuscrit.

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CHASSIGNET[1] (François, baron de). de la même famille que le précédent, homme d’État, oublié jusqu’ici dans les dictionnaires historiques, naquit en 1651, à Besançon, d’une famille patricienne, qui a produit plusieurs hommes de mérite. Après avoir achevé ses études, il embrassa la profession des armes, au service de l’Autriche, et parvint rapidement aux premiers grades. Ses talents l’ayant fait remarquer de l’empereur Léopold, ce prince le chargea de l’éducation de l’ainé de ses fils (Joseph Ier), et l’employa dans diverses affaires importantes ou Chassignet montra beaucoup de zèle et de capacité. Après la mort du roi d’Espagne Charles II (1er novembre 1700), la France s’empressa de faire reconnaître pour son successeur le jeune duc d’Anjou (Philippe V), proclamé d’abord à Madrid, et peu de temps après à Naples. L’empereur Léopold, qui convoitait cette riche succession pour son second fils l’archiduc Charles, forma sur-le-champ une nouvelle coalition contre la France ; et, en attendant qu’il pût faire passer une armée en Espagne, fit entrer des troupes en Italie, pour y attirer les Français. L’Autriche conservait de nombreux partisans à Naples, surtout parmi les nobles, fatigués d’être gouvernés par un vice-roi espagnol. Quelques-uns tirent offrir leurs services à l’Empereur, s’il voulait renverser Philippe V, dont l’autorité mal affermie ne pourrait résister au moindre choc. Léopold accueillit leurs offres avec empressement, et choisit Chassignet pour conduire cette grande entreprise. Muni d’instructions nécessaires, il partit pour Naples (juillet 1701). En passant à Rome, il vit les principaux seigneurs napolitains qui s’étaient engagés à le seconder, et il s’arrêta quelques jours à Bénévent, chez le prince de l’Ariccia, pour se concerter avec lui sur les mesures les plus propres à faire réussir la conjuration. Dans une réunion des chefs qui eut lieu à Naples peu de jours après l’arrivée de Chassignet, il fut convenu que l’un commencerait par poignarder le vice-roi (le duc de Médina-Celi), au moment où il sortirait de son palais ; que l’un s’emparerait ensuite des forts où l’on aurait soin de ménager des intelligences, et que l’on profiterait du trouble pour proclamer l’archiduc. L’exécution de ce plan fut fixée d’abord au 19 septembre, jour de la St-Janvier ; mais craignant que la solennité de la fête, loin de le favoriser, ne devint un obstacle à leur projet, les conjurés l’ajournèrent au 5 octobre. Malgré le mystère dont Chassignet avait enveloppé ses démarches, la conspiration fut découverte par l’indiscrétion de quelques subalternes, à qui l’on avait été forcé de se confier. Les mesures que le vice-roi prit aussitôt, soit en changeant la garnison des forts, soit en faisant arrêter plusieurs personnes suspectes, avertirent Chassignet qu’il était trahi. Son avis fut d’abandonner, du moins pour le moment, un plan devenu désormais impraticable ; mais les conjurés, dans leur désespoir, résolurent au contraire d’en avancer l’exécution. On était dans la nuit du 27 septembre ; ils forcèrent Chassignet de monter à cheval et de parcourir les rues de Naples, tenant dans ses bras le portrait de l’archiduc, et suivi d’hommes du peuple, qui criaient vive Charles III[2]. Pendant ce temps, les séditieux forcèrent les portes des prisons, dont ils tirent sortir indistinctement tous ceux qui y étaient renfermés, et s’emparèrent ensuite du palais de la Vicairie, où ils commirent toutes sortes d’excès. Quelques-uns, ignorant que la garnison des forts avait été changée, se présentèrent pour y être reçus ; mais ils furent dispersés à coups de fusil. Abandonné de la plupart de ceux qui l’avaient suivi, Chassignet se réfugie dans le cloître de St-Laurent, où il arbore l’étendard d’Autriche et fit placer devant lui une table chargée de pistoles, qu’il laissait prendre à ceux qui se déclaraient pour l’archiduc. Mais quand le jour arriva, le calme se rétablit. Chassignet, arrêté sans résistance, fut conduit en prison, et, peu de temps après, transféré en France, où il fut mis à la Bastille. Tant que dura sa détention, il reçut tous les mois de l’Empereur cent

écus, dont il distribuait aussitôt la moitié aux autres prisonniers, se contentant du surplus pour ses propres besoins. Bonneville, l’un de ses compagnons d’infortune, a, dans son Histoire de la Bastille, loué la modération de Chassignet, sa prudence, sa douceur et sa piété profonde. « C’était, ajoute-t-il, un seigneur très-habile dans les négociations, d’un grand courage et d’une expérience éprouvée. » (T. 1er, p. 114.) Les lettres l’aidèrent à supporter sa longue captivité. Il composait des vers assez agréables, comme on peut en juger par le sonnet que Renneville rapporte. (t. 2, p. 404.) À la paix de Rastadt(1714), il recouvra sa liberté, et courut à Vienne, où l’archiduc, cause innocente de sa longue détention, occupait le trône impérial sous le nom de Charles VI. Son dévouement fut récompensé par le titre de conseiller d’État. On conjecture que, déjà avancé en tige, et d’ailleurs affaibli par sa prison, il ne jouit pas longtemps des bienfaits de son souverain.

W—s.


CHASSIPOL (de), nom que Barbier dans son Dictionnaire des ouvrages anonymes, et M. Brunet dans son Manuel du libraire, donnent à l’auteur d’un ouvrage assez intéressant pour lui mériter une

  1. Il est mal nommé Sassignet par les différents historiens de la conspiration de Naples.
  2. C’est ce rang que ce prince devait occuper dans la série des rois de Naples.