Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/22

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tions à nos guides. Ils m’ont répondu que chaque village avait une portion de montagne à laquelle on met le feu pour avoir du bois à brûler ; la flamme consume les feuilles, les branchages verts des arbres et des arbustes ; et ne laisse que des tiges desséchées que chacun vient couper quand il en a besoin ; il arrive quelquefois que deux ou trois villages se réunissent pour incendier plusieurs montagnes rapprochées les unes des autres. Nous avons traversé plusieurs vallées qui avaient ainsi perdu leur verdure, et qui présentaient à l’œil la noirceur du charbon. Tout est sombre et nu dans ces vallées où la flamme a passé : plus d’ombre, plus de gazon, plus d’oiseaux ; ces lieux ont l’aspect que les poètes donnent aux noirs rivages.

Nous avons pu remarquer en passant près de l’incendie les manœuvres employées par les villageois pour diriger la marche du feu ; quand la flamme s’éteint dans un endroit, on la rallume avec des troncs embrasés. L’incendie vient-il à franchir les bornes qu’on lui a prescrites, on coupe alors les communications, et le feu s’arrête devant la coignée. Vous voyez par là, mon cher ami, qu’on joue ici avec les incendies, comme chez nous les partis jouent avec le feu grégeois des révolutions ; mais les villageois de l’Hellespont sont plus habiles ou réussissent mieux à maîtriser l’incendie qu’ils ont allumé.

Sur le chemin que nous suivons, c’est un événe-