Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/398

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de Versailles : j’ajouterai que la solitude de Scutari a quelque chose de solennel qui rappelle la solitude de cette ancienne demeure de nos rois. Le grand chemin d’Asie passe au milieu des cimetières ; il est toujours couvert de caravanes marchandes qui arrivent de la Perse, de l’Arabie, de l’Inde, de l’Égypte, de la Syrie et de l’Asie-Mineure. Ce continuel passage des caravanes au milieu de ce vaste amas de tombes immobiles, représente assez bien l’éternel mouvement à côté de l’éternel repos. Les Musulmans de Scutari se livrent peu au commerce ; ils voient passer devant eux les productions et les trésors de tout l’Orient, sans qu’il leur prenne envie d’en profiter ; la plupart d’entre eux ne sont là que pour être plus près de leur cimetière favori. Les Grecs, les Juifs et les Arméniens qui ne sont point venus à Scutari pour attendre un tombeau, ne négligent pas leurs intérêts de commerce, et tirent un grand avantage de l’arrivée des caravanes.

Les derviches hurleurs étaient autrefois une des curiosités de Scutari, et les voyageurs ne manquaient pas de les visiter ; quel spectacle que celui d’une troupe de cénobites hurlant le nom d’Allah jusqu’à perdre haleine, épuisant leurs forces dans des jeux sanglans qui faisaient de chaque derviche un véritable gladiateur ! Comment caractériser une piété qui avait toutes les fureurs de l’exaltation, qui ne se montrait que par des actes violens, et par je ne sais quelle démence cruelle ? Nous avons