Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dernier voyage lui avait beaucoup coûté, et que le vent jaune lui avait enlevé dans une semaine pour cent mille piastres de négresses venues de l’Abyssinie.

Nous nous sommes mis à fumer avec ces honnêtes négocians ; quelques-uns, les plus âgés surtout, nous voyaient avec quelque peine dans le bazar, non qu’ils craignissent d’avoir des témoins de leur trafic ; mais ils se persuadaient que les regards d’un chrétien pouvaient jeter un mauvais sort sur les esclaves, et les rendre malades ou difformes. Ce que les marchands d’esclaves redoutent le plus, ce sont les maladies ; la phthisie, la fièvre, la colique, un accident imprévu peut ruiner les plus riches. Combien de fois la peste n’a-t-elle pas dépeuplé ce bazar ! Que de fortunes emportées par un fléau épidémique ! Que de marchands, ruinés de fond en comble, qui, dans leur désespoir n’avaient plus qu’à suivre leurs esclaves au champ des morts ! Aussi lorsqu’un de ces pauvres captifs éprouve une indisposition tant soit peu grave, que d’attentions, que de soins, que d’inquiétudes ! O tendresse d’une mère, serait-il donc vrai que la crainte de perdre quelques piastres pût quelquefois te ressembler !

Les esclaves et ceux qui les vendent ne sont pas le seul spectacle curieux du bazar ; il faut voir aussi ceux qui viennent pour acheter ; vous savez que les coutumes musulmanes ne permettent pas de regarder une femme en face ; ici la vue du beau sexe n’est plus interdite ; la beauté n’y a point de voile ; des