Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/131

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Cette nuit-là avait une impression de grandeur. Il semblait que de quelque part de l’espace on regardât passer dans l’ombre d’une ville morte, un fantôme d’armée.

Les demi-tons incisifs du tocsin tombaient dans le noir des rues désertes.

Les deux tambours géants de Montmartre descendaient la rue Ramey, battant un rappel sourd comme une marche funèbre.

Des souffles de révolte passaient dans l’air, mais la moindre agression eût, comme l’avait senti le comité Central, servi de prétexte à un rétablissement de dynastie, sous la protection de Guillaume.

Quelques instants les drapeaux noirs des fenêtres claquèrent dans le vent, puis il n’y en eut plus une haleine de vie.

De la permanence du comité de vigilance, on ne voyait que la nuit dans laquelle sonnait le tocsin. — La nuit s’acheva lourde.

Aux Champs-Elysées, paisiblement comme un devoir, on brisa dans un café qui avait ouvert aux Prussiens, le comptoir et tout ce qui avait servi à leur usage et par devoir aussi, sans pitié ni colère, on fouetta des malheureuses qui pour voir les envahisseurs avaient en toilettes de fête dépassé les barrières.

Que ne pouvait-on faire justice en place de ces produits lamentables du vieux monde de la société putréfiée tout entière.

L’assemblée de Bordeaux continua de voter une série de mesures honteuses. Ceux qui composaient à Paris le gouvernement n’ayant pas comme la défense nationale promis de mourir plutôt que de se rendre, s’en donnaient à cœur joie d’infamies.

Craignant tous les hommes de courage qu’il appelait la lie des faubourgs, l’assemblée qui n’eût jamais osé affronter Paris, préparait une trahison pour désarmer