Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/367

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sur la crête des vagues qui le battaient en brèche. La vieille frégate que pour nous on avait remise à flots, demi-brisée, se plaignait, craquait comme si elle allait s’ouvrir ; s’en allant à cape sèche comme un squelette de navire, et debout pareille à un fantôme, son mât de misaine plongé dans le gouffre.

Enfin la Nouvelle Calédonie fut en vue.

Par la plus étroite des brèches de la double ceinture de corail, la plus accessible, nous entrons dans la baie de Nouméa.

Là, comme à Rome, sept collines bleuâtres, sous le ciel d’un bleu intense ; plus loin, le Mont-d’Or, tout crevassé de rouge terre aurifère.

Partout des montagnes, aux cimes arides, aux gorges arrachées, béantes d’un cataclysme récent ; l’une des montagnes a été partagée en deux, elle forme un V dont les deux branches, en se réunissant, feraient rentrer dans l’alvéole les rochers qui pendent d’un côté à demi-arrachés, tandis que leur place est vide de l’autre.

Comme on cherche toujours bêtement à faire aux femmes un sort à part, on voulait nous envoyer à Bourail, sous prétexte que la situation y est meilleure ; mais pour cela même nous protestons énergiquement avec succès.

Si les nôtres sont plus malheureux à la presqu’île Ducos, nous voulons être avec eux !

Enfin nous sommes conduites à la presqu’île sur la chaloupe de la Virginie ; tout autre transport ne nous inspire nulle confiance, le commandant l’a compris ; sur sa parole seulement nous consentons à quitter la Virginie. Nous avions fait le projet, madame Lemel moi, de nous jeter à la mer si on s’obstinait à nous faire conduire à Bourail, et d’autres, je crois, l’eussent fait aussi.

Les hommes, débarqués depuis plusieurs jours, nous