Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/417

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» Quand arriva un lieutenant de gendarmerie qui, à son tour, réclama les papiers, ils n’étaient plus reconnaissables. Je lui tendis alors deux ou trois feuillets restés dans le portefeuille et qu’il me rendit en disant très bas : Vous êtes une brave petite femme et si tout le monde était comme vous, il n’y aurait pas tant de victimes.

» Il y eut aussi parmi les gendarmes quelques hommes moins durs que les autres, peut-être se souvenaient-ils de leurs femmes et de leurs enfants nourris par la Commune.

» Lorsque je passai devant la commission mixte, cet homme me sauva la vie, car ne voyant plus que mon mari et mes enfants dont j’étais séparée, mon vieux père malade et que peut-être pouvait sauver la liberté de ma mère, je prenais sur moi tout ce que je pouvais et même ce que je n’avais pas fait. Il me fit enlever et mettre à part en disant : Mais, malheureuse, vous allez vous faire fusiller.

» Depuis, que de choses ! Nous avons été tenus partout. J’ai perdu mon père, ma mère, les aînés de mes enfants, mon mari dont la mort a fait autour de moi un effondrement général ; mais je n’en retrouve pas moins au fond de ma mémoire les horribles drames de Satory.

» La veille de notre départ pour les Chantiers de Versailles, à 11 heures du soir, on avait fusillé un malheureux garde national devenu fou, qui croyait s’échapper en traversant une mare.

» Son dernier cri avait été : Mes enfants, ma femme !

» La séparation, la perte de ceux qui nous sont chers, n’est-ce pas la suprême douleur ?

» Combien de celles qui avaient des frères, pères ou maris, croyaient dans leur folie reconnaître la voix de ceux qu’elles aimaient !

» Sept femmes des nôtres devinrent folles en une