Page:Michel - La Reliure française, 1880.djvu/23

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Derome par la tourmente révolutionnaire, fut reprise par Thouvenin et continuée par Bauzonnet ; il a su se garder de la pernicieuse influence qu’a exercée Capé sur la Reliure moderne par une recherche d’extrême élégance qui paraît l’avoir seule préoccupé, dans ces reliures si élégantes mais si fragiles qu’après vingt années seulement d’existence beaucoup d’entre elles sont déjà fatiguées, presque mortes avant d’avoir vécu. M. Trautz semble aujourd’hui à la plupart d’entre nous, par l’irrégularité de sa dorure, un artisan d’un autre âge, égaré au dix-neuvième siècle ; mais s’il a les défauts des anciens, il en a aussi bien souvent les charmes[1].

D’autres relieurs, non sans talent, au lieu de remonter aux sources mêmes, ont copié, contrefait sa reliure, exagérant les légers défauts dont personne n’est exempt, sans parvenir à s’assimiler ses grandes qualités.

Lorsqu’on étudie un objet d’art quel qu’il soit, ancien ou moderne, c’est pour s’en inspirer ; il faut bien se garder de le copier servilement ; il n’y a pas d’art là où il n’y a pas de personnalité !

Le plus difficile en reliure, comme en toute chose de ce monde, c’est de garder le juste milieu. On faisait en général, il y a vingt ans, deux genres de reliures : les unes lourdes, grossières, en même temps que flasques et molles, trop lâches de corps d’ouvrage, mais solides en réalité quand elles étaient cousues à nerfs ; les autres élégantes, finies en ce qui frappait les yeux, solides en apparence, mais aussitôt brisées qu’ouvertes. « Il nous faut, dirent avec raison les bibliophiles, des volumes de construction p

  1. Depuis que ces lignes ont été écrites, la mort a enlevé notre excellent confrère, en novembre 1879.