patience. Le voyage, où le train et le temps, n’avancent plus, où, parmi les voisins insouciants ou bavards, les permissionnaires avinés ou turbulents, on ne cesse pas de penser : « Le trouverai-je vivant ? »
Vivant, mais si peu… Une infirmière m’a conduite à sa chambre d’hôpital. La porte ouverte, j’ai cru m’être trompée : je ne le reconnaissais pas ! La face exsangue, creusée, le regard intérieur, la barbe de six jours : « Ce n’est pas lui. » Oh ! c’est une sensation atroce, qui restera là, sous mon front, tant que je vivrai. Et ce médecin, qui se réserve, qui ne se prononce pas : « Éclats d’obus… débris de vêtements… région du foie… vésicule… délicat… attendre. » Ce médecin, qu’on voudrait tour à tour injurier comme un sot et prier comme un dieu.
Attendre… Chaque jour, au seuil de l’hôpital, le coup au cœur : « Que vais-je apprendre ? » Ces couloirs, dont je garde aux narines l’odeur phéniquée, où l’on frôle au passage, comme des présages d’espoir et d’effroi, des convalescents et des morts… Dans la chambre nue, le premier regard à la feuille de température, à cette courbe qui ne fléchit pas. Et cette rage d’impuissance. Et cette nécessité de paraître rassurée, paisible, de sourire.