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LES « HAUTS FOURNEAUX »

mariage. Depuis, un héritage tardif lui rendit l’indépendance, l’affranchit de la politique et du journalisme, où sa susceptibilité d’écorché vif souffrait et le desservait. Sa fidèle et secrète tendresse m’est très chère. Mais si je m’attendais à rencontrer là ce puritain, ce délicat, qui touche d’ailleurs à la soixantaine…

Pauvre Paron… Il semblait à la fois ému et penaud. Et quand nous eûmes déblayé les propos d’accueil :

— Vous vous demandez ce que je fais là, dit-il. Eh bien, voici. Hier soir, je débarque à la gare avec un train de réfugiés du Nord, que j’accompagnais depuis Paris. Des femmes et surtout des enfants. Nous devions les installer dans une cantine municipale. Nous arrivons : elle était occupée. Que faire ? Disséminer nos gens dans le quartier ? Évidemment. Mais les gîtes étaient rares, difficiles à trouver. L’heure avançait. Nous avions à peine casé la moitié de la bande, quand un agent de police eut pitié de nous. Et, ma foi, il logea le reste dans ces maisons-ci. Elles s’ouvrirent d’ailleurs à sa première réquisition, car on y professe un grand respect de la police. Ce matin, j’ai voulu faire la tournée de mes mioches. Et savez-vous les plus heureux, les plus cajolés ? Ceux qu’on a logés dans cette