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Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/136

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COMME JADIS…

mineuse correspondance de votre aïeul mandant à Herminie les difficultés sans nombre qu’il doit surmonter : climat, indigènes, vexations anglaises, rivalités, précaires moyens de communication avec la France. Aucune entrave ne paraît avoir été épargnée à ces premiers conquérants du sol.

Je ne sais si j’intéresserai mon auditoire. J’ai choisi des termes simples à la portée de ces cerveaux d’ouvriers. Je voudrais, en leur âme, faire passer l’élan d’enthousiasme qui m’a soulevé lorsque j’ai pris conscience de l’énergie, de la ténacité, de l’ardente volonté, de la Foi magnifique de ces Français d’autrefois. Peut-être échouerai-je. Je ne sais rien des aspirations de mes futurs auditeurs…

Je confiai mes inquiétudes à Maignan au cours de l’après-midi. Quand j’eus fini de parler et peut-être plus confiant de moi que je n’aurais voulu, à cause de ce regard profond et doux, il me dit :

— Oui, tu ignores superbement les humbles. Tu es un artiste, mais tu as le cœur droit : ne crains rien ; mes gars sentiront vite cela. Le courant de sympathie s’établira aussitôt.

Je le priai de jeter un coup d’œil sur mon travail. Je corrigeai quelques endroits suivant ses indications. Il m’applaudit d’avoir fait un saut de 1760 à 1910.

— Tu t’es souvenu de ce que je t’écrivais :