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COMME JADIS…

rebuteraient, si elles n’étaient les vaillantes apôtres du parler français, les entêtées des traditions nationales qu’il faut éveiller dans l’âme de l’enfant. Si la place est pauvre, la maîtresse d’école partagera le chantier de bois ronds du pionnier : à l’aide d’un rideau, on lui fera un coin qui sera à elle, où elle aura son lit et ses livres. Avant les années d’abondance, il y a les années de patates et de lard, elle mangera sans se plaindre le lard et les patates. Elle ne deviendra combative que si un commissaire d’école trouve qu’elle fait bien longue l’heure de français et de catéchisme que permet la loi. Alors, elle qui ne représente qu’une autorité morale devant la force toute-puissante des commissaires d’école, elle cherchera des alliés et — j’ai honte de l’écrire — il arrive quelquefois que le vide se fait autour d’elle, qu’on murmure :

— « On sait bien, faut du français, mais l’anglais est bien utile par icite, dans l’Ouest ! »

La petite maîtresse d’école se défend, se débat, montre les cahiers de ses élèves, prouve que l’enseignement de l’anglais n’est pas négligé, que l’inspecteur lui-même s’est déclaré satisfait. Les esprits s’échauffent ; on ne sait d’où part la mauvaise parole et l’on apprend, un jour, que la maîtresse a reçu son congé, telle une « engagée » quelconque.

Rassurez-vous, ce ne sera pas là l’histoire de Mlle Saint-Jean. Au premier congrès du Parler français, à Edmonton, on a pu appeler Lavernes