Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/255

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elle y reste elle étouffe. Donc elle est animal terrestre, appartient à la terre ? Point du tout. Si, par accident, elle échoue à la côte, la pesanteur énorme de ses chairs, de sa graisse, l’accable ; ses organes s’affaissent. Elle est également étouffée.

Dans le seul élément respirable pour elle, l’asphyxie lui vient aussi bien que dans cette eau non respirable où elle vit.

Tranchons le mot. De la création grandiose du mammifère géant n’est sorti qu’un être impossible, premier jet poétique de la force créatrice, qui d’abord visa au sublime, puis revint par degrés au possible, au durable. L’admirable animal avait tout, taille et force, sang chaud, doux lait, bonté. Il ne lui manquait rien que le moyen de vivre. Il avait été fait sans égard aux proportions générales de ce globe, sans égard à la loi impérieuse de la pesanteur. Il eut beau par-dessous se faire des os énormes. Ses côtes gigantesques ne sont pas assez résistantes pour tenir sa poitrine suffisamment libre et ouverte. Dès qu’il échappe à l’eau son ennemie, il trouve la terre son ennemie, et son pesant poumon l’écrase.

Ses évents magnifiques, la superbe colonne d’eau qu’il lance à trente pieds, ce sont les signes, les témoins d’une organisation enfantine et barbare encore. En la lançant au ciel par ce puissant effort,