Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/351

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Dans les eaux, il y a encore plus de jeunes vies annulées : en les défendant, en les propageant, et les rendant très nombreuses, nous nous créons un droit de vivre du trop-plein. La génération y est susceptible d’être dirigée comme un élément, indéfiniment augmentée. L’homme, en ce monde-là surtout, apparaît le grand magicien, le puissant promoteur de l’amour et de la fécondité. Il est l’adversaire de la mort ; car, s’il en profite lui-même, la part qu’il s’adjuge n’est rien, en comparaison des torrents de vie qu’il peut créer à volonté.

Pour les espèces précieuses qui sont près de disparaître, surtout pour la baleine, l’animal le plus grand, la vie la plus riche de toute la création, il faut la paix absolue pour un demi-siècle. Elle réparera ses désastres. N’étant plus poursuivie, elle reviendra dans son climat naturel, la zone tempérée ; elle y retrouvera son innocente vie de paître la prairie vivante, les petits êtres élémentaires. Replacée dans ses habitudes et dans son alimentation, elle refleurira, reprendra ses proportions gigantesques ; nous reverrons des baleines de deux cents, trois cents pieds de long. Que ses anciens rendez-vous d’amour soient sacrés. Cela aidera beaucoup à la rendre de nouveau féconde. Jadis elle préférait une baie de la Californie. Pourquoi ne pas la lui laisser ? Elle n’irait plus chercher les glaces