Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/136

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Un matin, dans une revue généralement discrète et pâle, le Télescope de Moscou, un article, échappé par la distraction de la censure, fait trembler toute la Russie. Cet article, signé (Tschadaef), était l’épitaphe de l’empire, celle de l’auteur aussi : il savait qu’écrire ces choses, c’était accepter la mort plus que là mort, des tortures et des prisons inconnues. Du moins, il soulagea son cœur. Avec une éloquence funèbre, un calme accablant, il fit sur son pays comme un testament de mort. Il lui demande compte de toutes les amertumes qu’on infligea qui veut penser, il analyse avec une profondeur désespérante, inexorable, le supplice de l’âme russe ; puis, se détournant avec horreur, il maudit la russie. Il lui dit qu’elle n’a jamais existé humainement, qu’elle ne représente qu’une lacune de l’intelligence humaine, déclare que son passé a été inutile, son présent superflu, et qu’elle n’a aucun avenir.

L’empereur a fait enfermer cet homme dans une maison de fous. Mais la Russie, le cœur percé, a cru qu’il avait raison. Elle s’est tue. Depuis 1842, pas une production russe, ni bonne, ni mauvaise. Le terrible article, en réalité, a clos et scellé le tombeau.

Sous la tombe est une étincelle l. Nous ne souscrivons nullement aux anathèmes de Tschadaef.

En bas, nous voyons