Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/41

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dévouement, leur enthousiasme obstiné pour celui en qui ils voyaient le drapeau de la France, saisissent d’étonnement, arrachent des larmes. Dans les plus tristes entreprises, les plus étrangères à leur cause, il les prodigue sans scrupule ; il les embarque pour Saint-Domingue, jette ces hommes du nord ans climats de feu, emploie au rétablissement de l’esclavage ces soldats de la liberté. Dans la plus injuste des guerres, celle d’Espagne, encore les Polonais. Les Français s’y rebutent, se lassent : les polonais ne sont pas las encore.

Quelle récompense ? La voici : trois fois de suite, en 1807, en 1809, en 1812, Napoléon a empêché la restauration de leur nationalité, qui se faisait d’elle-même.

Tous supposez sans doute que les Polonais, si maltraités, lui ont gardé rancune, qu’ils ont un souvenir amer d’une adoration si mal reconnue, qu’ils en veulent à ce dieu ingrat ?… C’est précisément le contraire. Tout au rebours des autres hommes, leur attachement a augmenté par les mauvais traitements. La chute de Napoléon (qui détacha de lui tant d’hommes) lui rallia encore le cœur des Polonais. Sainte-Hélène porta leur fanatisme au comble. La mort, enfin, le mit sur un autel. Vainqueur, c’était pour eux un grand homme ; vaincu et captif, un héros ; mort, ils en ont fait un messie.

Magnanimes instincts de générosité et de grandeur,