Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/62

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degré, il y a corruption, vénalité, et, par suite, incertitude absolue dans les résultats.

Si l’empereur était toujours trompé, si sa volonté restait toujours impuissante, il prendrait ses mesures et s’arrangerait là-dessus. Il n’en est pas ainsi. Le "grand défaut de la machine, c’est qu’elle est incertaine, capricieuse dans son action. Parfois les volontés les plus absolues de l’autocrate n’aboutissent à rien. Parfois un mot qui lui échappe par hasard a des effets immenses et les plus désastreux.

Un exemple : Catherine, envoyant en Sibérie plusieurs français pris en Pologne, avait très fortement recommandé (pour ménager l’opinion) qu’ils fussent bien traités. Elle le dit et le répéta, ordonna, menaça. Jamais elle ne fut obéie.

Autre exemple contraire : Nicolas dit un jour à des paysans du Volga qu’il serait charmé que dans l’avenir tout paysan pût être libre. Ce mot tombe comme une étincelle ; une révolte, immense et le massacre des maîtres en résultent ; il y faut une armée et des torrents de sang.

Voilà comme tout flotte. L’empereur est parfois infiniment trop obéi, contre sa volonté ; parfois il ne l’est pas du tout. Souvent il est trompé, volé, avec une audace incroyable. Par exemple, à sa barbe, à ses yeux, on vole, on vend en détail un vaisseau de ligne, et jusqu’à des canons de bronze. Il le voit, il le sait, il menace, il frappe parfois. Et les choses n’en