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Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/75

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il aimait les pauvres. Il lui était impossible d’en voir sans leur donner ; il leur parlait avec égard, avec les plus délicats ménagements de l’égalité.

Dès son enfance, il avait montré ces dispositions charitables. Le douloureux spectacle de l’infortuné paysan de Pologne, deux fois ruiné, et par son maître, et par les logements militaires, les passages continuels de soldats étrangers qui le mangent et le battent, avait blessé profondément son cœur. la pitié, une pitié douloureuse pour les maux de l’humanité, semblait avoir brisé en lui quelques nerfs du cœur, et produit peut-être un seul défaut qu’on ait pu saisir dans une nature si parfaite.

Ces qualités, ces défauts même, faisaient un ensemble adorable, auquel peu de cœurs auraient résisté. Sosnowska en fut si touchée, que, ne doutant pas qu’on ne vît son amant comme elle le voyait, l’égal des rois, elle dit tout à sa mère. Kosciusko, de son côté, alla se jeter aux pieds du père et les inonda de larmes. Cette confiance réussit mal. Le père la reçut avec tant de mépris, qu’il ne daigna pas même éloigner Kosciusko ; il lui défendit de parler à sa fille, de la regarder.

Celle-ci, exaltée dans sa passion, absolue et audacieuse comme une Polonaise, déclara à Kosciusko qu’elle voulait être enlevée. Résolution violente ! Ce n’était pas seulement quitter sa famille, c’était abandonner une grande fortune, une vie quasi royale, pour