Aller au contenu

Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jette dans les bras du peuple. Dans cet acte remarquable, le paysan est déclaré libre de quitter la terre qu’il cultive pour aller où bon lui semble, et le propriétaire non libre de lui ôter cette terre, s’il remplit les conditions fixées par la loi. Aux termes de ces conditions nouvelles, le travail dû par le paysan au propriétaire est diminué d’un tiers, et, en certains cas, de moitié. Les propriétaires qui demanderaient davantage sont menacés des tribunaux.

Cet acte, qui défend au propriétaire d’ôter au paysan la terre qu’il cultive, paraissait sanctionner, par l’autorité de la loi, l’opinion qu’ont généralement les serfs slaves (Polonais et Russes), qui se regardent comme les antiques et légitimes propriétaires du sol. Les serfs russes gisent souvent : " nos corps sont aux maîtres, mais la terre est à nous. "

L’acte de Kosciusko était en cela bien plus populaire que la loi française ne l’a été plus tard dans le grand-duché de Varsovie. Elle n’a eu aucun égard pour ce lien antique entre le paysan et la terre. Elle lui permet d’aller où il veut, mais en abandonnant le sol où depuis des siècles il a mis sa sueur et trouvé sa vie : cette loi d’émancipation n’est, dans la réalité, qu’une autorisation d’errer, de mendier, de mourir de faim.

À cette noble et humaine propagande de Kosciusko les Russes opposèrent un machiavélisme diabolique. Ils firent écrire par l’indigne roi de Pologne un manifeste