Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/92

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palais, l’alcôve, le lit de la vieille, étaient un marché, une bourse.

Les Russes ne se présentèrent jamais devant l’armée polonaise sans être au moins quatre contre un ; ajoutez que c’étaient des soldats formés, aguerris, contre de simples paysans. Jamais Kosciusko, dans toutes ses divisions, n’eut, au total, plus de 35.000 hommes. Eût-il vaincu les Russes avec ce faible nombre, la Prusse et l’Autriche étaient là derrière pour les soutenir et les relever.

En 92, l’Autriche avait arrêté la victoire de Kosciusko ; en 94, ce fut la Prusse qui vint la lui arracher. Le 6 juin. Kosciusko, poursuivant les Russes, les atteint sur les confins du palatinat de Cracovie, il rompt leur cavalerie, il entame leur infanterie, il prend plusieurs de leurs canons… Au milieu de la victoire, on aperçoit à l’horizon une armée de 24.000 Prussiens, conduits par le roi en personne. On ordonne la retraite, qui allait être une déroute, si Kosciusko ne l’eût couverte par plusieurs charges vigoureuses qui arrêtèrent l’ennemi ; il eut deux chevaux tués sous lui, et faillit dix fois périr.

Ce revers était dû à la trahison des éclaireurs de Kosciusko, qui lui laissèrent ignorer l’approche des Prussiens. La trahison livra aux Russes la ville de Cracovie. Le dictateur de Pologne, dans un tel péril, avait certainement droit d’organiser une justice rapide et