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HISTOIRE DE FRANCE

au Dieu-nature le Dieu-homme, et à la place de la triste ivresse des sens, dont l’ancien culte avait fatigué l’humanité, les sérieuses voluptés de l’âme et les joies du martyre, chaque peuple accueillit la nouvelle croyance selon son génie. La Gaule la reçut avidement, sembla la reconnaître et retrouver son bien. La place du druidisme était chaude encore : ce n’était pas chose nouvelle en Gaule que la croyance à l’immortalité de l’âme. Les druides aussi semblent avoir enseigné un médiateur. Aussi ces peuples se précipitèrent-ils dans le christianisme. Nulle part il ne compta plus de martyrs. Le Grec d’Asie, saint Pothin (ποθεινὸς, l’homme du désir ?), disciple du plus mystique des apôtres, fonda la mystique Église de Lyon, métropole religieuse des Gaules[1]. On y montre encore les catacombes, et la hauteur où monta le sang des dix-huit mille martyrs. De ces martyrs, le plus glorieux fut une femme, une esclave (sainte Blandine).

Le christianisme se répandit plus lentement dans le Nord, surtout dans les campagnes. Au quatrième siècle encore, saint Martin y trouvait à convertir des peuplades entières, et des temples à renverser[2]. Cet ardent missionnaire devint comme un Dieu pour le peuple. L’Espagnol Maxime, qui avait conquis la Gaule avec une armée de Bretons, ne crut pouvoir s’affermir qu’en appelant saint Martin auprès de lui. L’impéra-

  1. App. 33.
  2. Quels temples ? Je serais porté à croire qu’il s’agit ici de temples nationaux, de religions locales. Les Romains qui pénétrèrent dans le Nord ne peuvent, en si peu de temps, avoir inspiré aux indigènes un tel attachement pour leurs dieux. (Sulp. Sev., Vita S. Martini.) Voyez les Éclaircissements.