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LOUIS IX

telle place, il fallait se hâter de saisir Alexandrie ou le Caire. Mais la même foi qui inspirait la croisade faisait négliger les moyens humains qui en auraient assuré le succès. Le roi d’ailleurs, roi féodal, n’était sans doute pas assez maître pour arracher ses gens au pillage d’une riche ville ; il en fut comme à Chypre, ils ne se laissèrent emmener que lorsqu’ils furent las eux-mêmes de leurs excès. Il y avait d’ailleurs une excuse ; Alphonse et la réserve se faisaient attendre. Le comte de Bretagne, Mauclerc, déjà expérimenté dans la guerre d’Orient, voulait qu’on s’assurât d’abord d’Alexandrie ; le roi insista pour le Caire. Il fallait donc s’engager dans ce pays coupé de canaux, et suivre la route qui avait été si fatale à Jean de Brienne. La marche fut d’une singulière lenteur ; les chrétiens, au lieu de jeter des ponts, faisaient une levée dans chaque canal. Ils mirent ainsi un mois pour franchir les dix lieues qui sont de Damiette à Mansourah[1]. Pour atteindre cette dernière ville, ils entreprirent une digue qui devait soutenir le Nil et leur livrer passage. Cependant ils souffraient horriblement des feux grégeois que leur lançaient les Sarrasins, et qui les brûlaient sans remède, enfermés dans leurs armures[2]. Ils restèrent ainsi cinquante jours, au bout desquels ils apprirent qu’ils auraient pu s’épargner tant de

  1. Bonaparte pensait que si saint Louis avait manœuvré comme les Français en 1798, il aurait pu, en partant de Damiette le 8 juin, arriver le 12 à Mansourah, et le 26 au Caire.
  2. « Toutes les fois que nostre saint roi ooit que il nous getoient le feu grejois, il se vestoit en son lit, et tendoit ses mains vers notre Seigneur, et disoit en plourant : Biau Sire Diex, gardez-moy ma gent. » (Joinville.)