Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/440

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
430
HISTOIRE DE FRANCE

peine et de travail. Un Bédouin leur indiqua un gué (8 février).

L’avant-garde, conduite par Robert d’Artois, passa avec quelque difficulté. Les templiers, qui se trouvaient avec lui, l’engageaient à attendre que son frère le rejoignît. Le bouillant jeune homme les traita de lâches et se lança, tête baissée, dans la ville dont les portes étaient ouvertes. Il laissait mener son cheval par un brave chevalier, qui était sourd, et qui criait à tue-tête : « Sus ! sus ! à l’ennemi[1] ! » Les templiers n’osèrent rester derrière ; tous entrèrent, tous périrent. Les mameluks, revenus de leur étonnement, barrèrent les rues de pièces de bois, et des fenêtres ils écrasèrent les assaillants.

Le roi, qui ne savait rien encore, passa, rencontra les Sarrasins ; il combattit vaillamment. « Là, où j’étois à pied avec mes chevaliers, dit Joinville, aussi blessé vint le roi avec toute sa bataille, avec grand bruit et grande noise de trompes, de nacaires, et il s’arrêta sur un chemin levé ; mais oncques si bel homme armé ne vis, car il paraissait dessus toute sa gent des épaules en haut, un haume d’or à son chef, une épée d’Allemagne en sa main. » Le soir on lui annonça la mort du comte d’Artois, et le roi répondit « que Dieu en feust adoré de ce que il li donnoit ; et lors li choient les larmes des yex moult grosses ». Quelqu’un vint lui demander des nouvelles de son

  1. Joinville : « Le bon comte de Soissons se moquoit à moy, et me disoit : « Seneschal, lessons huer cette chiennaille, que, par la quoife Dieu, encore en parlerons-nous de ceste journée es chambres des dames. »