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L’OR. — LE FISC. — LES TEMPLIERS

fraternités héroïques, couvrirent de sales amours de moines[1]. Ils cachèrent l’infamie en s’y mettant plus avant. Et l’orgueil y trouvait encore son compte ; ce peuple éternel, sans famille ni génération charnelle, recruté par l’élection et l’esprit, faisait montre de son mépris pour la femme[2], se suffisant à lui-même et n’aimant rien hors de soi.

Comme ils se passaient de femmes, ils se passaient aussi de prêtres, péchant et se confessant entre eux[3]. Et ils se passèrent de Dieu encore. Ils essayèrent des superstitions orientales, de la magie sarrasine. D’abord symbolique, le reniement devint réel ; ils abjurèrent un Dieu qui ne donnait pas la victoire ; ils le traitèrent comme un allié infidèle qui les trahissait, l’outragèrent, crachèrent sur la croix.

Leur vrai dieu, ce semble, devint l’ordre même. Ils adorèrent le Temple et les Templiers, leurs chefs, comme Temples vivants. Ils symbolisèrent par les cérémonies les plus sales et les plus repoussantes le dévouement aveugle, l’abandon complet de la volonté. L’ordre, se serrant ainsi, tomba dans une farouche religion de soi-même, dans un satanique égoïsme. Ce qu’il y a de souverainement diabolique dans le Diable, c’est de s’adorer.

Voilà, dira-t-on, des conjectures. Mais elles ressortent trop naturellement d’un grand nombre d’aveux

    les Anglais en avaient un autre : « Dum erat juvenis sæcularis, omnes pueri clamabant publice et vulgariter unus ad alterum : Custodiatis vobis ab osculo Templariorum. » (Conc. Britann.)

  1. App. 51.
  2. App. 52.
  3. App. 53.