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L’OR. — LE FISC. — LES TEMPLIERS

moines avaient été amis des Templiers, au point même qu’ils s’étaient engagés à solliciter de chaque mourant qu’ils confesseraient un legs pour le Temple[1]. Mais peu à peu les deux ordres étaient devenus rivaux. Les dominicains avaient un ordre militaire à eux, les Cavalieri gaudenti[2], qui ne prit pas grand essor. À cette rivalité accidentelle il faut ajouter une cause fondamentale de haine. Les Templiers étaient nobles ; les dominicains, les Mendiants, étaient en grande partie roturiers, quoique dans le tiers-ordre ils comptassent des laïques illustres et même des rois.

Dans les Mendiants, comme dans les légistes conseillers de Philippe-le-Bel, il y avait contre les nobles, les hommes d’armes, les chevaliers, un fonds commun de malveillance, un levain de haine niveleuse. Les légistes devaient haïr les Templiers comme moines ; les dominicains les détestaient comme gens d’armes, comme moines mondains, qui réunissaient les profits de la sainteté et l’orgueil de la vie militaire. L’ordre de saint Dominique, inquisiteur dès sa naissance, pouvait se croire obligé en conscience de perdre en ses rivaux des mécréants, doublement dangereux, et par l’importation des superstitions sarrasines, et par leurs liaisons avec les mystiques occidentaux, qui ne voulaient plus adorer que le Saint-Esprit.

Le coup ne fut pas imprévu, comme on l’a dit. Les

  1. Statuts du chapitre général des Dominicains en 1245.
  2. Voyez l’histoire de cet ordre, par le dominicain Federici, 1787. Ils profitèrent pourtant des biens du Temple ; plusieurs Templiers passèrent dans leur ordre.