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HISTOIRE DE FRANCE

Templiers eurent le temps de le voir venir[1]. Mais l’orgueil les perdit ; ils crurent toujours qu’on n’oserait.

Le roi hésitait en effet. Il avait d’abord essayé des moyens indirects. Par exemple, il avait demandé à être admis dans l’ordre. S’il y eût réussi, il se serait probablement fait grand maître, comme fit Ferdinand-le-Catholique pour les ordres militaires d’Espagne. Il aurait appliqué les biens du Temple à son usage, et l’ordre eût été conservé.

Depuis la perte de la terre sainte, et même antérieurement, on avait fait entendre aux Templiers qu’il serait urgent de les réunir aux Hospitaliers[2]. Réuni à un ordre plus docile, le Temple eût présenté peu de résistance aux rois.

Ils ne voulurent point entendre à cela. Le grand maître, Jacques Molay, pauvre chevalier de Bourgogne, mais vieux et brave soldat qui venait de s’honorer en Orient par les derniers combats qu’y rendirent les chrétiens, répondit que saint Louis avait, il est vrai, proposé autrefois la réunion des deux ordres, mais que le roi d’Espagne n’y avait point consenti ; que pour que les Hospitaliers fussent réunis aux Templiers, il faudrait qu’ils s’amendassent fort ; que les Templiers étaient plus exclusivement fondés pour la guerre[3]. Il finissait

  1. Ils avaient de sombres pressentiments. Un Templier anglais rencontrant un chevalier nouvellement reçu : « Es ne frater noster receptus in ordine ? Cui respondens, ita. Et ille : Si sederes super campanile Sancti Pauli Londini, non posses videre majora infortunia quam tibi contingent antequam moriaris. » (Concil. Brit.)
  2. Le concile de Saltzbourg, tenu en 1272, et plusieurs autres assemblées ecclésiastiques, avaient proposé cette réunion.
  3. App. 59.