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L’OR. — LE FISC. — LES TEMPLIERS

par ces paroles hautaines : « On trouve beaucoup de gens qui voudraient ôter aux religieux leurs biens, plutôt que de leur en donner… Mais si l’on fait cette union des deux ordres, cette Religion sera si forte et si puissante qu’elle pourra bien défendre ses droits contre toute personne au monde. »

Pendant que les Templiers résistaient si fièrement à toute concession, les mauvais bruits allaient se fortifiant. Eux-mêmes y contribuaient. Un chevalier disait à Raoul de Presles, l’un des hommes les plus graves du temps, « que dans le chapitre général de l’ordre il y avait une chose si secrète, que si pour son malheur quelqu’un la voyait, fût-ce le roi de France, nulle crainte de tourment n’empêcherait ceux du chapitre de le tuer, selon leur pouvoir[1]. »

Un Templier nouvellement reçu avait protesté contre la forme de réception devant l’official de Paris[2]. Un autre s’en était confessé à un cordelier, qui lui donna pour pénitence de jeûner tous les vendredis un an durant sans chemise. Un autre enfin, qui était de la maison du pape, « lui avait ingénument confessé tout le mal qu’il avait reconnu en son ordre, en présence d’un cardinal son cousin, qui écrivit à l’instant cette déposition ».

On faisait en même temps courir des bruits sinistres sur les prisons terribles où les chefs de l’ordre plongeaient les membres récalcitrants. Un des chevaliers

  1. Dupuy. App. 60.
  2. C’est le premier des cent quarante déposants. Dupuy a tronqué le passage. Voy. le ms. aux Archives du royaume, K. 413.