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HISTOIRE DE FRANCE

l’on suspend les inquisiteurs, l’affaire ne finira jamais… Le roi n’a pas pris la chose en main comme accusateur, mais comme champion de la foi et défenseur de l’Église, dont il doit rendre compte à Dieu[1] ».

Philippe laissa croire au pape qu’il allait lui remettre les prisonniers entre les mains ; il se chargeait seulement de garder les biens pour les appliquer au service de la terre sainte (25 décembre 1307). Son but était d’obtenir que le pape rendît aux évêques et aux inquisiteurs leurs pouvoirs qu’il avait suspendus. Il lui envoya soixante-douze Templiers à Poitiers, et fit partir de Paris les principaux de l’ordre ; mais il ne les fit pas avancer plus loin que Chinon. Le pape s’en contenta ; il obtint les aveux de ceux de Poitiers. En même temps, il leva la suspension des juges ordinaires, se réservant seulement le jugement des chefs de l’ordre.

Cette molle procédure ne pouvait satisfaire le roi. Si la chose eût été traînée ainsi à petit bruit, et pardonnée comme au confessionnal, il n’y avait pas moyen de garder les biens. Aussi pendant que le pape s’imaginait tout tenir dans ses mains, le roi faisait instrumenter à Paris par son confesseur, inquisiteur général de France. On obtint sur-le-champ cent quarante aveux par les tortures ; le fer et le feu y furent employés[2]. Ces aveux une fois divulgués, le pape ne pouvait plus arranger la chose. Il envoya deux cardinaux à Chinon demander aux chefs, au grand maître, si tout cela était vrai ; les cardinaux leur persuadèrent d’avouer, et ils

  1. App. 66.
  2. App. 67.