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DESTRUCTION DE L’ORDRE DU TEMPLE

vieux municipe, une république sous deux rois. Le roi de Naples comme comte de Provence, le roi de France comme comte de Toulouse, avaient chacun la seigneurie d’une moitié d’Avignon. Mais le pape allait y être bien plus roi qu’eux, lui dont le séjour attirerait tant d’argent dans cette petite ville.

Clément se croyait libre, mais traînait sa chaîne. Le roi le tenait toujours par le procès de Boniface. À peine établi dans Avignon, il apprend que Philippe lui fait amener par les Alpes une armée de témoins. À leur tête marchait ce capitaine de Ferentino, ce Raynaldo de Supino qui avait été dans l’affaire d’Anagni le bras droit de Nogaret. À trois lieues d’Avignon, les témoins tombèrent dans une embuscade qui leur avait été dressée. Raynaldo se sauva à grand’peine à Nîmes, et fit dresser acte, par les gens du roi, de ce guet-apens[1].

Le pape écrivit bien vite à Charles-de-Valois pour le prier de calmer son frère. Il écrivit au roi lui-même (23 août 1309), que si les témoins étaient retardés dans leur chemin, ce n’était pas sa faute, mais celle des gens du roi qui devraient pourvoir à leur sûreté. Philippe lui reprochait d’ajourner indéfiniment l’examen des témoins, vieux et malades, et d’attendre qu’ils fussent morts. Des partisans de Boniface avaient, disait-on, tué ou torturé des témoins ; un de ceux-ci avait été trouvé mort dans son lit. Le pape répond qu’il ne sait rien de tout cela ; ce qu’il sait, c’est que pendant ce long procès les affaires des rois, des prélats, du monde entier, dorment et attendent. Un

  1. Dupuy.