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HISTOIRE DE FRANCE

disait : « Si j’étais mort en mon voyage, Christ eût eu pitié de moi. » À quoi Boniface aurait répondu : « Va, je suis bien plus puissant que ton Christ ; moi, je puis donner des royaumes. »

Il parlait de tous les mystères avec une effroyable impiété, il disait de la Vierge : « Non credo in Mariola ! Mariola ! Mariola ! » Et ailleurs : « Nous ne croyons plus ni l’ânesse ni l’ânon[1]. »

Ces bouffonneries ne sont pas bien prouvées. Ce qui l’est mieux et ce qui fut peut-être plus funeste à Boniface, c’est sa tolérance. Un inquisiteur de Calabre avait dit : « Je crois que le pape favorise les hérétiques, car il ne nous permet plus de remplir notre office. » Ailleurs ce sont des moines qui font poursuivre leur abbé pour hérésie ; il est convaincu par l’inquisition. Mais le pape s’en moque : « Vous êtes des idiots, leur dit-il ; votre abbé est un savant homme, et il pense mieux que vous : allez et croyez comme il croit. »

Après tous ces témoignages, il fallut que Clément V endurât face à face l’insolence de Nogaret (16 mars 1310). Il vint en personne à Avignon, mais accompagné de Plasian et d’une bonne escorte de gens armés. Nogaret, ayant pour lui le roi et l’épée, était l’oppresseur de son juge.

Dans les nombreux factums qu’il avait déjà lancés, on trouve la substance de ce qu’il put dire au pape ; c’est un mélange d’humilité et d’insolence, de servilisme monarchique et de républicanisme classique,

  1. App. 74.