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DESTRUCTION DE L’ORDRE DU TEMPLE

d’érudition pédantesque et d’audace révolutionnaire. On aurait tort d’y voir un petit Luther. L’amertume de Nogaret ne rappelle pas les belles et naïves colères du bonhomme de Wittemberg, dans lequel il y avait tout ensemble un enfant et un lion ; c’est plutôt la bile amère et recuite de Calvin, cette haine à la quatrième puissance…

Dans son premier factum, Nogaret avait déclaré ne pas lâcher prise. L’action contre l’hérésie, dit-il, ne s’éteint point par la mort, morte non exstinguitur. Il demandait que Boniface fût exhumé et brûlé.

En 1318, il veut bien se justifier ; mais c’est qu’il est d’une bonne âme de craindre la faute, même où il n’y a pas faute ; ainsi firent Job, l’Apôtre et saint Augustin… Ensuite, il sait des gens qui, par ignorance, sont scandalisés à cause de lui ; il craint, s’il ne se justifie, que ces gens-là ne se damnent en pensant mal de lui, Nogaret. Voilà pourquoi il supplie, demande, postule et requiert comme droit, avec larmes et gémissements, mains jointes, genoux en terre… En cette humble posture, il prononce, en guise de justification, une effroyable invective contre Boniface. Il n’y a pas moins de soixante chefs d’accusation.

Boniface, dit-il encore, ayant décliné le jugement et repoussé la convocation du concile, était, par cela seul, contumace et convaincu. Nogaret n’avait pas une minute à perdre pour accomplir son mandat. À défaut de la puissance ecclésiastique ou civile, il fallait bien que le corps de l’Église fût défendu par un catholique quelconque ; tout catholique est tenu d’exposer sa vie